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appliquait. La France et l’Autriche jugèrent la prétention des insurgés excessive. La navigation commerciale par bâtiment grec, si l’on en excepte quelques transports de grains opérés sous pavillon russe, avait presque entièrement cessé. Cette brusque interruption tendait à rétablir les anciennes relations des ports ottomans avec les divers pavillons européens. La Caravane avait reparu ; elle était principalement exploitée par les Autrichiens. Un autre genre de spéculation s’était aussi développé à la faveur des circonstances nouvelles. Le blocus des places de la Morée et de l’île de Candie offrait des nolis avantageux aux bâtimens qui se décidaient à ne pas tenir compte des prohibitions du gouvernement grec. Le bénéfice semblait d’autant plus assuré que dans le principe on était fondé à compter sur l’appui des forces navales. La Porte se montrait fort étonnée que les bâtimens de guerre de ses alliés hésitassent à favoriser le ravitaillement des places qu’elle ne réussissait pas à faire approvisionner par ses escadres. « Elle va, écrivait-on de Constantinople au chevalier de Viella, passer une note à ce sujet. » Il n’est pas sans intérêt de faire ressortir ici la scrupuleuse loyauté dont nos chefs de station ne cessèrent de faire preuve en ces délicates circonstances.

M. le chevalier de Viella était un chevalier chrétien et un fervent royaliste. Entré au service le 31 mai 1778, à l’âge de quatorze ans, il avait obtenu le grade de lieutenant en 1786. Il avait assisté aux trois combats du comte de Guichen contre l’armée navale de lord Rodney, à la bataille livrée par le comte de Grasse dans le canal de La Dominique. À l’époque de la révolution, il émigra, fit la campagne de 1792 à l’armée des princes, et se rendit ensuite en Angleterre. Réintégré dans la marine en 1814, il vint prendre à Toulon le commandement du vaisseau la Ville de Marseille, destiné à transporter le marquis de Rivière à Constantinople. Le 20 mars le surprit dans cette position. Il passa en Espagne et fut chargé par le duc d’Angoulême de missions importantes à Naples et à Gênes. En 1816, il commandait l’Hermione et portait au Brésil le duc de Luxembourg, ambassadeur extraordinaire du roi ; en 1820, il prenait. le commandement de la Fleur de Lis, sur laquelle nous le retrouvons, après une campagne de trois ans, placé par un choix. spécial à la tête de l’importante station du Levant. Si quelqu’un devait être, par instinct et par, conviction, peu favorable à des insurgés, c’est à coup sûr l’officier dont je viens de raconter succinctement les services. M. de Viella ne se méprit pas cependant un instant sur son devoir, — tant la notion du droit est simple pour qui la cherche avec une âme vraiment chevaleresque. Après avoir notifié aux membres du gouvernement grec l’intention du gouvernement français de considérer comme nulle la déclaration