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Nous arrivons maintenant à un genre de divinités plus strictement phéniciennes que celles dont nous venons d’esquisser la physionomie. Celles-ci doivent avoir été cananéennes d’origine et adoptées par les Phéniciens après leur établissement sur les côtes de la Palestine. Quand on passe aux divinités apportées et conservées par les immigrans, on se trouve en face d’une conception de la nature très différente. Le Dieu suprême des Phéniciens est sans doute civilisateur, comme Eshmun ; il est de plus navigateur intrépide, guerrier sans peur, il est le soleil, mais surtout le soleil en tant que feu vivifiant à la fois et destructeur, toujours vainqueur. Son nom spécial, c’est Baal-Hammân, le seigneur très ardent, nom consacré par une foule d’inscriptions carthaginoises et phéniciennes. A Tyr, il s’appelait Baal-Çor, seigneur de Tyr, et Melkart, roi de la ville, et c’est lui que les Grecs ont identifié, non sans raisons profondes, avec Héraclès ou Hercule. C’est en son honneur qu’on élève les colonnes en avant des temples. Hiram en érigea deux en émeraude ; celles de Gadès ou Cadix, en Espagne, qui frappèrent si longtemps l’imagination des marins grecs, étaient de cuivre. Les deux colonnes que Salomon, imitateur en cela comme en d’autres choses du symbolisme phénicien, dressa en avant du temple de Jérusalem, et qui ont donné lieu à tant de suppositions bizarres, étaient aussi en cuivre ; l’une s’appelait Jakin, il fonde, l’autre Boaz, en lui la force. C’est la double idée de la puissance qui crée et de celle qui détruit. Il serait faux d’en conclure que le Dieu de Hiram et de Salomon ne faisaient qu’un, comme il serait puéril de nier l’emprunt fait par le roi israélite à une religion extra-canonique.

Le culte de Baal-Hammân passa en Afrique. Au-dessus d’une inscription numide, gravée par ordre de Massinissa, on voit ce dieu représenté avec des bras qui se terminent en grenades et en grappes. C’était donc le dieu par excellence de la productivité naturelle, et