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faudrait pas chercher là l’origine de la trèes vieille tradition des Juifs d’Espagne qui prétendaient faire remonter leur établissement en Ibérie jusqu’aux temps du roi Salomon ? Un vers d’Aristophane (Oiseaux, 507) attribuait aux Phéniciens une exclamation devenue proverbiale : « Le coucou chante ; circoncis, dans les champs ! » La circoncision ne fut pratiquée chez les Phéniciens qu’à titre d’exception, et non pas à titre de coutume nationale comme en Israël et en Égypte ; ce vers semble donc faire allusion à des esclaves hébreux.

Tyr insulaire eut à subir pendant cinq ans les attaques du conquérant assyrien Salmanazar. La ville, protégée par sa ceinture liquide, résista opiniâtrement. En vain Salmanazar équipa à grands frais une flotte recrutée sur les côtes des régions voisines. Les habiles marins de Tyr en eurent facilement raison, et purent même pendant le siège ramener à l’obéissance les Cypriotes, qui avaient voulu profiter de l’occasion pour s’en émanciper. Nébucadnetzar fut plus persévérant et plus heureux ; au bout de treize ans d’efforts, il parvint à s’en rendre maître. C’est à partir de ce moment que commença la décadence. Tyr conserva cependant une certaine autonomie sous la domination des Perses, et fournit son contingent à la flotte de Darius lors de la campagne d’Alexandre contre l’ennemi héréditaire de la Grèce. Alexandre, n’ayant pu parvenir à la gagner par ses avances ni par ses menaces, se résolut à l’assiéger. La trahison facilita sa conquête. Une digue énorme, construite avec les débris de Tyr continentale, relia désormais Tyr insulaire à la côte, et ses habitans furent rudement châtiés. Longtemps encore, et même pendant toute la durée de l’empire romain, Tyr vécut de sa vieille réputation, du moins elle vivota. Son port, était toujours fréquenté, ses marins estimés, mais elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Sour ou Tyr actuelle occupe à peine les deux tiers de l’ancienne île, et ressemble à un village plutôt qu’à une ville ; elle fait partie du territoire appartenant à une peuplade du Liban, les Mutualis. Des ruines amoncelées couvrent le sol tout à l’entour, et 3,000 âmes à peine végètent sur l’emplacement qui vit fleurir le plus audacieux et le plus opulent négoce de l’antiquité.

La cité phénicienne venant en troisième rang par l’importance politique après Sidon et Tyr, c’est Gebal ou Byblos, située au nord du pays, dans une position ravissante, en face de la Méditerranée et au pied d’un contre-fort du Liban. Bien que subordonnée à Tyr, elle était maîtresse d’un territoire. assez considérable que, d’après le livre de Josué, les Israélites auraient voulu s’approprier comme faisant partie de la terre promise ; mais cette ambition resta chez eux à l’état de pium votum. C’est Gebal surtout qui fournissait à la