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(Ier siècle), elle était adhuc opulenta. De 1110 à 1187, bien déchue, elle fit partie du royaume chrétien de Jérusalem. Le retour des musulmans fut suivi de destructions partielles, qui ne laissèrent debout que de faibles restes encore protégés par saint Louis, achetés par les templiers, mal défendus par eux contre l’invasion mongole du XIIIe siècle. Depuis lors, Szaïda, nom actuel de Sidon, n’est plus qu’une petite ville de 5,000 à 6,000 âmes, mais toujours admirablement située au milieu des jardins en vue des cimes neigeuses du Liban. On voit encore des vestiges énormes des anciennes jetées. C’est Beirouth qui représente aujourd’hui le port de commerce de ces parages.

Tyr, plus célèbre encore que sa métropole, se composait, comme nous venons de le dire, de deux parties bien distinctes. La ville continentale s’étendait sur une plage en pente douce, très arrosée et très fertile. Une rivière, le Kasimieh, trois sources réputées pour la fraîcheur et la pureté de leurs eaux, desservaient la ville et ses environs. Sur un rocher à l’est, qui portait le nom de Mont des Amans, s’élevait le temple d’Astarté. C’est à l’ouest et à trois stades sur la mer que Tyr insulaire fut bâtie sur deux autres rochers qui offraient aux navigateurs un port naturel excellent. Le manque d’espace força les habitans à se construire des maisons d’une hauteur exceptionnelle. Sur l’un de ces rochers, peut-être avant qu’on vînt les habiter, on avait érigé le fameux temple de Melkart ou Hercule, vers lequel affluaient les offrandes de tout le pays et des colonies les plus lointaines. Du reste, il y avait aussi un sanctuaire de même nom, plus ancien encore, dans la ville continentale. Quand Hérodote, au Ve siècle avant notre ère, visita la Phénicie, les prêtres de Melkart, consultés par lui, assignaient à leur ville et à leur temple une durée de deux mille trois cents ans, et Movers admet l’authenticité de cette date, en se fondant sur le soin que le sacerdoce syrien, comme celui de Babylone, prenait de ses annales. Trois aqueducs hardiment jetés sur la mer apportaient les eaux fraîches de la terre ferme à la ville insulaire, et d’ailleurs les Tyriens furent de grands constructeurs. Leur architecture fut solide, mais lourde, massive, sans idéal et complètement au service des besoins matériels.

C’est vers le XIIe siècle avant Jésus-Christ que Tyr vit s’éloigner les colons qui devaient fonder Gadès (Cadix) et Utique, et qui ne tardèrent pas à exploiter le sud de l’Espagne et la côte parallèle de l’Afrique. Quelques indices permettent de soupçonner les Tyrien, d’avoir maintes fois transplanté de force dans ces possessions lointaines des hommes enlevés par la ruse ou la violence aux peuplades limitrophes, par conséquent aux tribus israélites. Qui sait s’il ne