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Que les chefs du parti monarchique n’essaient pas de le nier : si le gouvernement l’avait voulu, ils n’étaient pas seulement vaincus comme monarchistes, mais encore comme conservateurs ; ce sont les ménagemens qu’on leur a montrés qui les ont graduellement enhardis. Jamais on n’a vu de gouvernement plus conciliant, plus accommodant, plus désintéressé que ce prétendu despotisme républicain contre lequel les mille voix de la réaction monarchique déclament avec tant de fracas. Le chef du pouvoir n’avait pas besoin de faire une constitution régulière pour dominer l’assemblée nationale et pour s’en faire obéir : l’incertitude de ses pouvoirs légaux était justement ce qui les rendait sans limites ; néanmoins, quoi qu’on en ait dit, le gouvernement personnel n’était pas son idéal ni le principal objet de ses efforts. Il songeait surtout à l’avenir ; s’il avait une ambition personnelle, c’était surtout celle d’assurer sa gloire en fondant la république et en laissant à son pays des institutions durables. Il savait que la politique de conciliation, qui déplaît en général aux opinions extrêmes, est la seule qui convienne à un gouvernement qui se fonde, et il s’est proposé avant toute chose d’adoucir l’antagonisme des partis en exerçant entre eux une sage médiation. Il a tout subordonné au succès de cette œuvre patriotique. Pour satisfaire ceux qui réclamaient la responsabilité ministérielle et qui prétendaient voir dans l’intervention personnelle du chef de l’état un empêchement à la liberté parlementaire, il a renoncé à ses prérogatives les plus légitimes, presque les plus nécessaires ; il a consenti à subir une foule d’entraves aussi absurdes que ridicules et aussi nuisibles que gênantes. Pour ne pas alarmer l’ombrageuse susceptibilité de ses contradicteurs, il s’est résigné à garder le silence dans une foule d’occasions où le pays aurait voulu entendre sa voix ; il s’est laissé entourer d’un cérémonial compliqué qui restreint son action parlementaire, et le prive du libre exercice de son simple droit de député. Il s’est condamné de bonne grâce à une sorte de captivité politique, d’ailleurs moins humiliante pour lui-même que pour ceux qui ont cru devoir la lui imposer. Tous ces sacrifices, il les a faits dans une seule pensée, pour décider l’assemblée à fonder la république. Beaucoup de gens lui conseillaient de se défier davantage ; il a mieux aimé faire appel au bon sens, à la bonne foi de ses adversaires. S’il s’est trompé, est-ce aux conservateurs qu’il convient de l’en faire repentir ?

Il ne faut pas se refuser à l’évidence : en acceptant le compromis de la commission des trente, le président de la république a fait preuve d’une abnégation bien rare. S’il ne s’est pas diminué comme homme politique, il s’est affaibli comme chef de gouvernement. En vertu des articles organiques de cette nouvelle constitution