Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réaction en rendant la république effrayante et antipathique aux opinions modérées. Le public enfin, naguère si rassuré, s’alarme à bon droit de ce tumulte, dont il ne comprend pas la cause. Il se demande par quelle étrange aberration, au lendemain des résolutions de la commission des trente, à la veille de la libération du territoire, le gouvernement et l’assemblée ont pu passer tout à coup de la paix à la guerre ; il n’a pas moins de peine à comprendre comment ces sages républicains qui parlaient si haut de leur modération et de leur patriotique déférence pour le gouvernement de M. Thiers ont pu, d’un jour à l’autre, lui déclarer la guerre à propos d’une question secondaire, dans le moment même où il prépare les lois qui doivent assurer l’établissement de la république.

Que s’est-il donc passé qui ait pu relever les espérances et ranimer l’ardeur des partis extrêmes ? En quoi le gouvernement, qui ne cherchait qu’à les calmer et à les rendre sages, a-t-il démérité tout à la fois des uns et des autres ? Comment a-t-il pu s’attirer en même temps la colère des monarchistes et celle des républicains ? C’est vraiment assez difficile à comprendre. Sans doute ce malheureux gouvernement, tout à la pensée d’amortir le choc des partis extrêmes, obligé de les combattre et de les ménager tour à tour, de leur céder même à l’occasion pour pallier leurs fautes, n’a pas montré dans ces derniers temps toute l’énergie et toute la fermeté désirables. Ces légères défaillances, plus faciles d’ailleurs à critiquer qu’à éviter, étaient au moins pardonnables au milieu des divisions de l’assemblée. L’opposition monarchique en a profité pour redoubler ses attaques, pour aggraver ses exigences, pour donner un libre cours à ses rancunes et à ses haines, et c’est ce dont les radicaux, ces fidèles amis du gouvernement, témoignent en ce moment leur mauvaise humeur en travaillant de toutes leurs forces à lui tuer la république entre les mains.

Tout cela est fort naturel et tout à fait conforme à nos habitudes politiques. Telle est la logique ordinaire des partis, et nous reconnaissons volontiers que le gouvernement aurait dû s’y attendre. Avouons-le donc sans détour : tout le monde a commis des fautes ; tout le monde en est resté plus ou moins amoindri, — le gouvernement d’abord, qui a manqué de prévoyance et de défiance, — l’assemblée ensuite, qui a prouvé une fois de plus qu’il y avait peu de chose à espérer d’elle, — les républicains enfin, qui s’amusaient à effrayer le pays par des manifestations stériles, et qui sont prêts à reperdre en un jour tout le terrain qu’ils avaient gagné par deux ans de patience et de sagesse, Tel est le résultat le plus clair de nos récentes agitations. Et après ? Qu’en faut-il conclure ? Le gouvernement |de la république conservatrice en est-il moins