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Cavour : l’église libre dans l’état libre. Vérité en-deçà de nos frontières, — erreur au-delà ! M. Windthorst a été appuyé dans cette revendication hardie par un député radical, M. Duncker, qui n’a pas consenti à sacrifier ses principes au tout-puissant chancelier. C’est le seul auxiliaire que les catholiques aient rencontré avec M. de Gerlach, qui a fait sa rentrée à la chambre le jour même où s’ouvraient ces grands débats. Représentant de l’ancien parti conservateur, il est demeuré fidèle aux opinions de toute sa vie en combattant la nouvelle politique de son pays au nom même de ses principes, par malheur trop colorés d’un piétisme presque catholique. Où il a eu pleinement raison, c’est quand il a assimilé au mauvais radicalisme politique toutes les mesures dictatoriales tournées contre la religion. Le ministre Falk a beau chercher à distinguer les lois qu’il proposait de celles du même genre qui ont tant compromis la révolution française ; il ne fait autre chose que suivre la tradition jacobine.

La discussion générale fut arrêtée par un scrupule auquel on n’avait pas d’abord attaché une grande importance : on s’aperçut qu’on se heurtait à des articles formels de la constitution. Nous comprenons très bien qu’on n’y eût pas songé : cette feuille de papier, comme l’appelait dédaigneusement le précédent roi, n’est pas gênante ; on en fait ce qu’on veut selon le vent qui souffle. Cependant le texte était précis ; il était plus commode après tout de le changer que de le tourner. L’article 15 de la constitution disait : « L’église évangélique et l’église catholique romaine, ainsi que toute autre société religieuse, administrent et règlent leurs affaires en pleine liberté. » Le gouvernement proposait d’ajouter ces mots : mais elles restent soumises aux lois et à la surveillance de l’état. Il voulait également qu’il fût spécifié que c’était dans ces mêmes conditions que chaque société religieuse conservait la jouissance de ses institutions et fondations. L’article 18 de la constitution portait primitivement que le droit de nomination, de proposition, d’élection et de confirmation pour les places de l’église était supprimé en tant qu’il n’appartenait pas à l’état et ne reposait pas sur le patronat ou des titres légaux particuliers. L’adjonction suivante était proposée : « cette disposition ne s’applique pas à l’emploi des ecclésiastiques dans l’armée et dans des établissemens publics. Du reste la loi fixe les droits de l’état relativement à l’éducation, à l’emploi, et au renvoi des ecclésiastiques, et fixe les limites du pouvoir disciplinaire ecclésiastique. » Les quatre lois proposées étaient le commentaire naturel des modifications demandées à la constitution.

Les modifications constitutionnelles et les quatre lois proposées