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sont les privilégiés qui prennent l’initiative, la noblesse par exemple en 1561, le clergé en 1576.

Les états ne sentent pas moins vivement combien sont funestes à leur autorité l’irrégularité de leurs réunions et les longs intervalles qui les séparent. Ils voient dans la périodicité à la fois la conséquence et la sanction du libre vote de l’impôt. Les états de 1355 avaient sur ce point donné le bon exemple et jeté les fondemens d’une périodicité véritable en ne se séparant point sans fixer à l’avance l’heure et le lieu de leur réunion prochaine. C’est ainsi que de 1355 à 1357 ils avaient pu se rassembler neuf fois. Leurs excès par malheur avaient détruit leur propre ouvrage, et la force d’une réaction inévitable avait de nouveau soumis après ces deux années la réunion des trois ordres au bon plaisir du roi. À Tours en 1483, les députés se remettent à l’œuvre. Nous avons dit déjà comment, après avoir réduit l’impôt des trois quarts, ils ne le votent que pour deux années, croyant ainsi au bout de ce temps se rendre nécessaires ; nous avons dit aussi l’inefficacité de cette précaution. Les états cependant ne se découragent point. À Orléans, à Pontoise, à Paris, ils s’efforcent de substituer à l’arbitraire royal une nécessité légale. Ils veulent la convocation des trois ordres tantôt tous les dix ans, tantôt tous les cinq ans, tantôt même de deux en deux années ; les délais demandés varient, mais le fond des réclamations est toujours le même. Ici encore les ordres privilégiés ne sont pas moins ardens que le tiers, le clergé surtout, que ses réunions particulières initient mieux à l’utilité et à la pratique des assemblées. C’est lui qui prend l’initiative en 1614 ; c’est lui qui en 1576 va jusqu’à proposer d’une manière positive qu’avec ou sans mandement royal les états se réunissent à Blois tous les cinq ans.

Là ne se bornent pas les aspirations des états. Effrayés à la fin du XVIe siècle des ruines de toute sorte et de l’épuisement général qu’ont causés les folles expéditions et les guerres incessantes, les assemblées de Pontoise et de Blois veulent imposer au monarque pour les guerres à venir des entraves salutaires. La noblesse en 1561, le clergé en 1576, demandent formellement qu’à l’avenir le roi ne puisse a commencer aucune guerre offensive, entrer dans aucune ligue, entreprendre quoi que ce soit qui puisse le mettre en guerre ou en défense sans avoir auparavant pris l’avis et conseil des états-généraux. »

Ce dernier trait achève le tableau. Évidemment les députés de l’ancienne France ont senti qu’au-delà des nécessités administratives ou financières du moment il y avait pour eux, dans un ordre plus général et plus élevé, des droits à préserver, des devoirs à