Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

authentiques le règne de Charles V, vous verrez que tous ses efforts tendent à satisfaire, dans ce qu’ils ont de légitime, les vœux formés par les états de 1355. Examinez ces grandes réformes qui valent à Louis XII le beau titre de « père du peuple ; » elles correspondent toutes aux cahiers des états de 1483. Que fait Henri IV enfin ? Il puise à pleines mains dans les grandes ordonnances d’Orléans, de Moulins et de Blois, dont son édit de 1597 prescrit formellement la stricte observation. Et ces grandes ordonnances, que sont-elles elles-mêmes, Sinon la réalisation des cahiers de 1560 et de 1576 ?

En est-ce assez pour détruire ces accusations de stérilité complète si longtemps dirigées contre les états-généraux ? Peut-on nier les faits, se refuser à l’évidence ? Nous ne le croyons pas, — et nous arrivons ainsi à cette conclusion singulière, mais incontestable : en matière d’administration, de législation, de justice, de finances, les états-généraux, n’ayant d’autres moyens d’action qu’un simple droit de doléances sans aucune sanction, exercent une influence positive ; leurs vœux se transforment en lois ; ils ont une part considérable dans la constitution et l’organisation de notre ancienne France. En matière politique au contraire, ayant entre les mains la plus puissante des armes, le vote de l’impôt, c’est-à-dire la prérogative qui est aujourd’hui encore le fondement de la puissance des assemblées, ils n’exercent aucune action, leurs résultats sont nuls, et ni dans la forme du gouvernement, ni dans les mœurs de la nation, leur influence ne laisse aucune trace.


IV

Est-ce à dire que les états-généraux n’aient pas eu la conscience du rôle qu’ils pouvaient jouer ? est-ce à dire que, s’ils n’ont pas pris dans le gouvernement la place d’une institution régulière et permanente, c’est faute de l’avoir voulu, faute de l’avoir tenté ?

Loin de là nous les voyons sans cesse préoccupés d’assurer leurs prérogatives, d’étendre leur autorité. Ce droit de voter l’impôt, qui leur appartient en principe, bien que sans cesse violé dans la pratique, ils en comprennent l’importance capitale, et il n’est pas de session où les députés n’en réclament avant tout la reconnaissance et le respect. Nous ne parlons pas des états de 1355, qui s’emparent révolutionnairement de la perception et de l’administration des finances ; mais dans toutes les assemblées pacifiques et légales, à Tours, à Orléans, à Pontoise, à Blois, les représentans du pays proclament hautement la nullité absolue de toute taxe imposée sans la réunion des états, et sur ce point l’accord entre les trois ordres, clergé, noblesse et tiers, est complet, invariable. Plus d’une fois ce