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suppression de la vénalité des offices, l’établissement d’une chambre de justice et l’abolition des pensions ont été résolus. »

Ces concessions étaient bien peu de chose, si l’on songe aux innombrables demandes contenues dans ces cahiers qu’au milieu de leurs discordes les députés n’avaient pas laissé de rédiger, et qui, suivant Augustin Thierry, rappellent par le mérite, dépassent en étendue le cahier de 1560. Les députés et la nation pourtant devaient s’en contenter pendant quinze années ; jusqu’à l’ordonnance de 1629, les états de 1614 ne devaient avoir d’autre fruit que ces trois promesses, oubliées elles-mêmes aussitôt.

Ainsi finissent les derniers états-généraux de l’ancienne France. Désormais durant plus de cent soixante ans la royauté n’en convoquera plus, la nation elle-même n’en réclamera pas ; seuls un Fénelon, un Saint-Simon, chercheront à rappeler « l’ancienne forme du royaume ; » leur voix dans le pays n’éveillera nul écho.


III

Nous avons vu l’histoire des états-généraux ; jugeons maintenant leur œuvre. Qu’a-t-elle été, qu’aurait-elle pu, qu’aurait-elle dû être ?

Ce qu’elle aurait dû être ? Une œuvre politique. Elle ne l’a pas été, et, si à ce point de vue les états n’ont rien laissé derrière eux, peut-être, en déplorant ce résultat négatif, ne nous sera-t-il pas difficile tout à l’heure d’en pénétrer les causes. Ce qu’elle a été ? Une œuvre réformatrice, féconde pour la constitution de la nationalité française, féconde pour son organisation financière, judiciaire, administrative.

Cette œuvre, nous le savons, on l’a contestée, méconnue, calomniée. On a dit des états-généraux, — nous avons relevé déjà ce singulier jugement, — on a dit que « la plupart des grandes choses de notre histoire se sont faites sans eux, quelques-unes même contre eux, » et on n’a pas craint de mettre au nombre de ces choses « la constitution définitive de l’indépendance nationale et de l’administration monarchique. » On les a formellement accusés « d’être un instrument d’arbitraire plutôt que de liberté, » et cela parce « qu’ils furent établis par le roi qui fonda le despotisme en France, » parce que « Louis XI fut le prince qui en tira le meilleur parti, » parce qu’enfin « les trois meilleurs rois de l’ancienne monarchie, Charles V, Louis XII, Henri IV, s’en passèrent pour gouverner[1]. »

Comment ne pas relever de telles affirmations ? Quoi ? instrumens d’arbitraire ces députés que nous venons de voir tant de fois

  1. Rathery, Histoire des états-généraux.