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déçus dans leurs calculs, à court d’argent et de ressources, venaient d’eux-mêmes supplier le roi de les décharger de leur mission. Ainsi échouaient comme avaient échoué leurs prédécesseurs, pour avoir mal mesuré leurs forces, mal compris leur mission et confondu le contrôle avec le gouvernement, des hommes auxquels ni l’honnêteté, ni la bonne foi, ni le dévoûment au bien public, ne pouvaient tenir lieu d’expérience.

Nous touchons au dernier chapitre de cette longue et cependant trop courte histoire. Les états de 1614 ferment jusqu’en 1789, pour le malheur de la France, et l’on peut dire aussi de la royauté, la série de nos grandes assemblées nationales. On souhaiterait trouver dans ces dernières assises la plus haute, la plus complète expression de l’esprit représentatif dans l’ancienne France. On souhaiterait admirer dans les petits-fils de 1614 la sagesse politique, la féconde union des aïeux de 1483. La vérité par malheur nous contraint d’en rabattre. Non pas que les députés de 1614 soient dénués d’intelligence, de savoir, de capacité ; leurs cahiers, les cahiers du tiers surtout, sont remplis, sur les questions spéciales, législation, justice, finances, armée, clergé, commerce, d’idées neuves, de vues profondes, de projets parfois prématurés, pratiques et féconds le plus souvent. La grande ordonnance de 1629, presque tout entière puisée dans ces cahiers, témoigne de leur mérite. Au point de vue général, par malheur, deux causes condamnent à la stérilité les états de 1614, — l’indifférence des députés pour tout ce qui touche aux principes fondamentaux du gouvernement et à l’organisation du pouvoir central, — l’antagonisme ardent qui règne entre les divers ordres, c’est-à-dire entre le tiers et les privilégiés.

Cette indifférence, cet antagonisme, s’expliquent aisément. Tandis que jusque-là comme le dit M. Picot, « toutes les grandes sessions s’étaient ouvertes sous l’empire d’un sentiment général qui emportait la nation, » cette fois « l’opinion publique n’avait aucune raison de réagir contre le règne du prince qui venait de donner à la nation tout ce qu’elle pouvait souhaiter. » Durant cet admirable règne, le pays avait vu successivement disparaître presque tous ces abus qui de tout temps avaient soulevé ses justes réclamations. La royauté de Henri IV, économe, réformatrice, glorieuse, exempte de préjugés, sans nul esprit d’exclusion, réalisait, il faut bien le dire, aux yeux du tiers-état l’idéal du gouvernement. On était encore en 1614 sous l’impression de ses bienfaits. La régence, malgré ses désordres, n’avait pas encore eu le temps de révolter l’esprit public. Si l’épargne du feu roi était déjà dispersée aux quatre vents de la faveur, les impôts n’avaient point encore subi de trop frappantes augmentations. Bref, dans le tiers-état, point d’hostilité à l’égard de la royauté, point d’impatience de voir