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l’état doit toujours avoir la supériorité dès qu’on aborde le domaine légal. Cela revient à dire que l’église a tous les bénéfices de l’égalité dans le domaine abstrait, à la condition que l’état ait tous les pouvoirs dans le domaine concret ; le droit est une théorie, la force est seule réelle. Le ministre s’est attaché avec le plus grand soin à rassurer l’église évangélique, à établir que, si elle était atteinte indirectement par la loi nouvelle, elle n’avait rien à redouter, pas plus que le christianisme en soi, qui a tout à gagner à la haute culture, et qu’en définitive il n’était pas loisible à l’état d’abandonner les jeunes générations à une autre influence que la sienne.

M. Falk a trouvé des alliés puissans dans l’assemblée. Il a été tout d’abord soutenu par M. de Benningsen, l’ancien ministre du roi de Hanovre, qui apporte au nouvel empire toute l’ardeur d’un néophyte ; il accable de sa lourde éloquence ceux que ses maîtres veulent écraser, et les accuse de fomenter partout la révolution. Convenons que nul parti n’a rendu des services plus signalés à la politique ministérielle que la gauche de la chambre des députés. On se souvient de son abdication après Sadowa. Le chemin de Vienne, où s’étaient engagées les armées triomphantes de la Prusse, avait été pour elle le chemin de Damas. Aussi, au retour triomphant du roi et de son grand ministre, n’eut-elle rien de plus pressé que de lui offrir ses hommages et de faire litière de tous les principes qu’elle avait défendus au nom des libertés parlementaires. Elle lui apportait les clés du trésor national, qu’elle avait voulu si longtemps fermer à ses ambitions militaires. C’était livrer du même coup les droits du parlement. Elle aussi devenait concrète. La gauche n’a pas depuis lors démenti une seule fois sa docilité. Elle n’a protesté contre aucune violence de la dernière guerre, et ce n’est que sur les bancs du radicalisme extrême que les principes d’humanité qui semblaient faire l’honneur du libéralisme moderne ont été invoqués. Uniquement préoccupée de l’agrandissement de la patrie allemande, elle se soucie fort peu de l’empire évangélique, car elle professe une véritable animosité contre la religion ; aussi est-elle disposée à voter toutes les mesures qui fortifient l’état contre l’église, dans l’espoir que ce sera la religion en soi qui en souffrira. Elle ne cache point ses convictions à cet égard ; on peut s’en convaincre par les discours de son chef, le célèbre docteur Virchow. Voici en résumé son argumentation. « Les lois proposées seraient fort dangereuses par le pouvoir exorbitant dont elles investissent le ministère des cultes, si on pouvait supposer qu’une influence cléricale ou piétiste pût jamais prévaloir. Un tel danger n’est pas à craindre. La lutte aujourd’hui est engagée entre la culture laïque et la culture ecclésiastique. Celle-ci a pu au moyen âge