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combien, malgré les querelles religieuses et les antagonismes de classes, combien à l’assemblée d’Orléans le tiers-état, à l’assemblée de Pontoise la noblesse aussi bien que le troisième ordre, sont animés d’un sentiment de réformation sincère et clairvoyant. Nous aimerions à insister sur ces grands cahiers, où éclatent à chaque page tant de sagesse pratique, tant de science du droit et de l’administration, tant d’instinct de la justice et du bon ordre ! Quelles ne doivent pas être en ces temps de trouble et de désordre, l’intolérance des passions, l’âpreté des discordes, la profondeur de la corruption, et, pour tout dire d’un mot, l’anarchie générale, pour que de semblables réformes, presque toutes mises en pratique par un homme comme L’Hospital, et dans des ordonnances comme celles d’Orléans et de Moulins, deviennent en peu d’années lettre morte et ne donnent pas aux destinées du pays une impulsion nouvelle !

C’est encore pis en 1576 ; l’apaisement et la conciliation sont plus loin que jamais. La Saint-Barthélémy avait creusé entre les deux partis protestant et catholique une rivière de sang. En revanche, il est vrai, l’horreur du crime avait soulevé tout ce qu’il restait dans le royaume de consciences impartiales et chrétiennes. Le parti des politiques s’en était formé, sincèrement dévoué à ces idées de tolérance, de justice, de droit, au triomphe desquelles L’Hospital avait inutilement consumé ses forces, et à la fois contraint par le malheur des temps de vouloir la paix les armes à la main, et trop peu nombreux pour s’assurer la victoire. Puis la paix de Monsieur était venue surexciter les haines des catholiques. Souffrir le libre exercice de la religion réformée ! donner aux huguenots huit places de sûreté ! le fanatisme du temps ne pouvait s’y résoudre. La ligue était née, avait grandi, avait étendu ses ramifications par tout le royaume et par-delà les frontières. C’est dans ces circonstances que s’assemblent au mois d’octobre les états-généraux stipulés par la paix de Monsieur[1]. Cette fois encore la violence et la ruse président aux élections. Presque partout protestans et politiques sont écartés par tous les moyens. Comment attendre de députés ligueurs le calme et la modération ? Certes, dans les questions d’administration, d’organisation, de justice, ils ne manquent ni de lumières ni d’initiative ; on en trouve la preuve dans les cahiers. En ce qui touche également les finances, ils ont au plus haut point la conscience de leurs devoirs ; mais enfin la grande, on pourrait dire l’unique question posée aux états-généraux de 1576 est celle-ci : établira-t-on l’unité de religion ? Établir l’unité de religion, c’est purement et simplement rompre la paix de Monsieur, recommencer la guerre contre les huguenots, Eh bien ! tel est

  1. Premiers états de Blois, 1576.