Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prestent chacune mille écus. » En revanche, il diminuera les tailles et supprimera l’impôt sur la marchandise. Les députés hésitent, ils sont près de refuser. Un événement inattendu vient changer leurs esprits : Calais est pris par le duc de Guise. Aussitôt, d’enthousiasme, les gens des états consentent à tout. Le clergé offre un million d’écus, les ordres laïques donnent le reste, et la session se termine brusquement sans autre résultat qu’un accroissement des charges publiques. Ce ne sont pas là d’ailleurs, à proprement parler, des états-généraux, — pas plus ceux-là que ceux du Plessis-lès-Tours. Les députés sont en très petit nombre malgré la présence des premiers présidens de tous les parlemens du royaume et de quelques autres magistrats auxquels le roi, pour flatter leur ambition et mieux ouvrir leurs bourses, accorde la prérogative enviée et d’ailleurs passagère de former un état à part, l’état de la justice ! De plus il n’y a pas eu d’élections régulières : c’est par le roi lui-même qu’ont été désignés les membres de cette assemblée de notables.


II

Il nous faut attendre deux années encore, jusqu’en 1560, pour rencontrer des états-généraux vraiment dignes de ce nom ; mais à cette date nous entrons en quelque sorte dans une série d’assemblées. Si cinquante années seulement nous séparent du jour qui doit être le dernier des états-généraux, ces cinquante années sont remplies par cinq réunions d’états, par six même, si l’on y veut comprendre la grande assemblée de notables tenue à Rouen en 1596. Les états d’Orléans en 1560, de Blois en 1576 et en 1588, de Paris en 1593 et en 1614, mériteraient chacun, à des titres différens, une étude spéciale.

Ceux de 1560 empruntent aux discordes religieuses, alors dans leur première violence, un caractère particulier. Dès le premier moment dans les élections même, la passion se fait jour. Les Guises, abusant de leur puissance, cherchent par tous les moyens à assurer le triomphe de leurs candidats, et là où ils n’ont pu vaincre leurs adversaires, ne reculent même pas devant la violence pour se débarrasser durant le voyage des députés qu’ils redoutent. Contre eux les mécontens religieux et les mécontens politiques du tiers ou de la noblesse luttent avec une âpre et parfois victorieuse énergie. Mêmes passions, mêmes antagonismes dans l’assemblée : nous sommes bien loin de cette étroite union entre les trois ordres qui régnait en 1483 ; de délibération en commun, de résolutions générales, de cahier unique, nous n’en voyons plus trace. Le clergé ne