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ce n’était que pour deux années ; il faudrait bien au bout de ce court terme avoir recours à eux, au moins pour battre monnaie. Le roi d’ailleurs l’avait juré.

« Les deux années s’écoulent, et bien d’autres avec elles, et l’on se passe des états pour remplir les coffres. Le roi meurt, et ce duc d’Orléans, qui en 1483 se donnait pour le promoteur et le patron des états, qui en 1483 allait solennellement réclamer devant le parlement une nouvelle réunion des trois ordres, ce prince, devenu Louis XII, ne semble avoir nul souci de dégager la parole de Charles VIII. Une seule fois durant son règne, nous voyons s’assembler au Plessis-lès-Tours, spontanément, disent quelques historiens, à l’instigation du roi, disent quelques autres, les délégués de la nation. Ils viennent supplier le roi de rompre les fiançailles de madame Claude de France avec Charles d’Autriche, celui qui doit être un jour Charles-Quint, et d’écarter ainsi dans l’avenir un danger menaçant pour l’unité du royaume. Leur vœu est trop d’accord, peut-être même trop de connivence avec le secret désir du roi pour n’être pas exaucé. Madame Claude est fiancée à celui qui sera François Ier, et, au milieu de l’émotion et des acclamations générales, l’orateur des états décerne à Louis XII le beau titre de « père du peuple. » De réformes, de périodicité, de doléances, de vote de l’impôt, il n’en est point question.

Du moins Louis XII a-t-il aux yeux de l’histoire l’excuse d’avoir assuré le bonheur et la prospérité de son peuple, et, à notre point de vue spécial, le singulier mérite, en réduisant l’impôt, en organisant le contrôle de l’administration, en réformant la discipline des troupes, en restituant l’indépendance et le respect de la justice, d’avoir mis successivement en pratique les vœux de l’assemblée de 1483. Ses successeurs n’ont pas les mêmes titres à l’indulgence. De nouvelles guerres plus désastreuses encore, des dépenses ruineuses, des prodigalités de toute nature, des impôts écrasans, le despotisme, le désordre, les excès de tout genre, voilà le bilan de deux règnes et de cinquante années sans états-généraux. François Ier d’abord avait séduit la nation par le prestige de sa gloire et de ses dehors chevaleresques. Avec Henri II, les calamités de la guerre, l’accroissement des charges, la lourdeur de l’oppression, détruisent toutes les illusions et lassent toutes les patiences, vers la fin de son règne, en 1558, à bout de ressources, pressé par l’ennemi, menacé par l’émeute, impuissant à lever la moindre taxe sans le concours des états, Henri II se voit contraint d’appeler à lui les représentans des trois ordres. Il faut au roi trois millions d’écus d’or ; mais ce n’est pas sur le peuple qu’il les veut prendre. Il prétend « trouver trois mille personnes en son royaume qui lui