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catholiques prussiens ; une pareille législation en fait de simples préfets ecclésiastiques. La loi qui est de beaucoup la plus grave et la moins acceptable pour eux est celle qui ferme leurs grands séminaires et leur enlève entièrement l’influence sur la formation de leur jeune clergé. Nous savons bien que l’on prétend que le protestantisme est soumis à la même législation, mais le gouvernement a bien soin de faire remarquer qu’elle ne change en rien sa situation. Lui ordonner d’envoyer ses futurs pasteurs aux universités, c’est lui commander de suivre sa propre coutume et son premier intérêt. Les questions disciplinaires n’y ont aucune importance. Il y a une véritable hypocrisie politique à soutenir que les lois nouvelles sont fidèles au grand principe de l’égalité des cultes. Au reste la discussion générale n’a laissé planer aucun doute sur ce sujet. Elle s’est ouverte le 15 janvier. Les tribunes regorgeaient de spectateurs, l’émotion était grande ; on sentait que c’était la partie dernière qui se jouait. Cependant le grand attrait manquait. M. de Bismarck était absent ; à la suite du remaniement ministériel qui avait tant occupé l’Allemagne, et qui n’avait été de sa part qu’une évolution dans le sens de la grande unité germanique, il voulait se donner la satisfaction de diriger de loin l’imbroglio parlementaire et d’en tenir les fils sans sortir de son cabinet. Il savait que son intervention était inutile, que la majorité était assurée. Il n’avait rien de nouveau à dire, il n’était donc pas nécessaire de faire entendre à la chambre cette parole saccadée, familière, impérative, profondément habile dans sa négligence impertinente, qui n’avait plus trouvé de résistance depuis les triomphes de 1866. Il n’avait nul besoin de redire à l’Allemagne quel grand chrétien il était, ses déclarations précédentes suffisaient à l’édification générale. M. de Bismarck était remplacé par le docteur Falk, ministre des cultes, qui est raide comme un major du grand Frédéric. Son langage est sec et hautain ; il a au moins l’avantage de ne pas jeter de fleurs sur les mesures oppressives. Il les signifie à l’assemblée comme la consigne du jour, et il ne prend pas la peine de les étayer par une argumentation subtile. Le professeur perce néanmoins dans l’homme politique, témoin ce mot de son discours du 15 janvier : « nous sommes devenus plus concrets, nous avons pris conscience des droits de l’état. Voilà pourquoi il faut voter les lois proposées, » — en d’autres termes, nous en avons fini avec ces vaines abstractions qui s’appellent le respect du droit et de la justice ; nous avons dit adieu à cette idéologie qu’on nous a tant reprochée. Le docteur Falk ne se trompait pas ; le concret, comme il l’entend, triomphe sur toute la ligne. Dans son second discours du 17 janvier, il déclarait sans artifice que, si l’état et l’église sont égaux dans le domaine moral,