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histoire sommaire de ces états, et l’auteur du mémoire couronné, M. Rathery, bien qu’on ne puisse lui contester le mérite d’intéressantes recherches, ne concluait-il pas ainsi : « La plupart des grandes choses de notre histoire se sont faites sans les états-généraux, quelques-unes même se sont faites contre eux ? » Si l’auteur d’une étude spéciale parlait de ces assemblées avec un tel dédain, qu’était-ce donc de la masse ignorante et des esprits prévenus ? Pas plus aux yeux de ceux pour qui la France est née en 1789 qu’aux yeux de ceux qui la font mourir cette année-là les états-généraux n’avaient sérieusement figuré et n’entraient en ligne de compte dans l’histoire de notre passé.

On ne peut donc savoir assez de gré à ceux des membres de cette académie qui ont persévéré à poser la question et demandé aux concurrens d’y regarder de plus près, de chercher si ces assemblées n’avaient pas en fait exercé par des résultats appréciables une influence sur les destinées du pays. Grâce à eux, le concours de 1866 a comblé la lacune et réparé les injustices du concours de 1840. Deux ouvrages en sont nés, remarquables tous deux par la justesse des idées, tous deux marqués au coin d’un vrai talent, mais inégaux par l’étendue, le développement et la portée des recherches. M. Desjardins a fait une étude, M. Picot a écrit une histoire, et, ce qui n’est pas un moindre mérite, il en a fourni les pièces à l’appui. Dire qu’on rencontre dans son livre une science solide, personnelle, toujours facile à contrôler, c’est lui décerner un éloge dont M. Desjardins, lui aussi, peut réclamer sa part. Ce qui appartient en propre à M. Picot, ce qui lui a valu non-seulement le prix pour lequel il a concouru, mais encore une autre récompense[1] prêtant à la première un éclat tout nouveau, c’est l’art de grouper les faits et les considérations générales, de rapprocher sans leur faire violence les effets et les causes ; c’est en un mot la méthode rigoureuse qui préside à l’ensemble du travail, en distribue les parties, et, guidant le lecteur à travers ces quatre gros volumes, lui permet à chaque pas de mesurer le chemin parcouru et d’apprécier les résultats acquis.

Ces résultats, nous ne saurions trop le dire, intéressent au plus haut degré, non pas seulement les curieux de l’histoire, les raffinés de l’archéologie, mais ceux-là même qui cherchent avant tout ce qu’en langage trop moderne on appelle actualité. L’actualité ! où la trouver plus saisissante ? Aujourd’hui que nous nous débattons dans l’enfantement de notre organisation politique, aujourd’hui que les

  1. Le grand prix Gobert récemment décerné par l’Académie française à l’ouvrage de M. Picot.