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La part réclamée pour les usages privés augmente de jour en jour, et on est en droit d’espérer que d’ici à quelques années toute maison aura son réservoir spécial et l’eau nécessaire aux personnes qui l’habitent. La ville impose la condition de prendre une concession d’eau aux entrepreneurs qui font bâtir sur des terrains vendus par elle ; cette mesure excellente devrait être indistinctement étendue à toute construction nouvelle. Les propriétaires n’y perdraient rien, car ils sauraient sans aucun doute augmenter les baux en conséquence. Bien des compagnies industrielles se sont successivement formées pour distribuer l’eau à prix d’argent dans les maisons de Paris, toutes ont fini par sombrer, et la ville a recueilli leur héritage ; mais lorsque la loi du 16 juin 1859 eut annexé à Paris les communes suburbaines, on se trouva en présence d’une compagnie sérieuse, qui avait fait de grands frais d’installation, qui était propriétaire d’établissemens hydrauliques importans, et qui desservait ce qu’alors on appelait la banlieue. Ne pouvant la déposséder sans commettre une grave injustice, la ville transigea avec elle. Un traité intervenu le 11 juillet 1860 transforma la Compagnie générale des eaux en régie intéressée. La ville se substitue à elle dans la possession des établissemens et dans le droit de vendre l’eau ; en échange la compagnie reçoit pendant cinquante ans une somme annuelle de 1,160,000 francs, payée mois par mois, et à titre de prime le quart de la somme excédant un revenu de 3,600,000 francs (le cinquième seulement si le revenu dépasse 6 millions). Elle est chargée de faire les abonnemens, de surveiller la distribution des eaux dans les propriétés particulières, de filtrer l’eau vendue aux fontaines marchandes, de faire les recettes et d’opérer toutes les semaines entre les mains de qui de droit le versement des sommes encaissées.

Les abonnemens dans les maisons s’accroissent dans de notables proportions : on en comptait 21,921 en 1860 ; au 31 décembre 1872, ils étaient au nombre de 37,889. Le total des maisons de Paris est de 73,624, il y en a donc près de la moitié qui ne reçoivent pas encore d’eau et qui en sont réduites à la demander à des hommes qui l’achètent à l’administration pour la revendre aux particuliers. Ce sont les porteurs d’eau, qui font un métier pénible, mais assez lucratif. Qui ne se les rappelle parcourant nos rues, la sangle aux épaules, les seaux en main et criant d’une voix lamentable : « A l’eau-au ! Nous sommes débarrassés de leurs clameurs, et eux-mêmes ne tarderont pas à disparaître. La diminution est rapide : 1,253 en 1860, aujourd’hui 800, sur lesquels 79 ont des tonneaux traînés par un cheval ou par un âne, et 721 des tonneaux à bras, auxquels ils s’attellent et qu’ils manœuvrent avec effort. Ils ne sont