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possible de traverser les lignes allemandes, l’inspecteur des aqueducs courut vérifier les dégâts présumés : ils étaient nuls ; de Pargny à Paris, l’œuvre était restée intacte. Vers le 9 ou 10 septembre, un détachement de cavalerie appartenant à l’armée qui poursuivit inutilement le 13e corps se présenta au premier regard de la Dhuis, à celui où la source même est captée. L’officier commandant rédigea un procès-verbal constatant que l’agent de l’administration française, incapable de résister seul à une compagnie de soldats, avait été contraint par un cas de force majeure ; puis, aidé de deux de ses hommes, il leva la vanne de retenue, et la source fut précipitée au ravin, où elle trouva l’ancien lit qu’elle parcourait autrefois. Les regards avaient seulement été comblés avec de la terre pour éviter qu’ils ne servissent de refuge ou d’embuscade aux francs-tireurs ; les gelées d’un hiver qui fut très rude avaient fendillé çà et là quelques parties de l’aqueduc ; cela fut vite réparé, et le 18 avril 1871 la Dhuis nous revint par le chemin qu’elle doit à nos ingénieurs.

Sur la prairie, deux kiosques médiocres s’élèvent, semblables à ceux où l’on vend des journaux ; ils abritent un escalier en vrille qui aboutit au réservoir. On descend, et l’on s’arrête stupéfait en présence d’un des plus imposans spectacles qu’il soit donné à l’homme de contempler. C’est le palais des eaux tranquilles, et cela dépasse de cent coudées tous les décors à grand spectacle où les féeries de l’Opéra entassent les naïades, et les tritons. Un jour faible et gris tamisé par les hublots se répand sur l’immense nappe, absolument immobile, qui reflète, en les doublant, les piliers qu’elle baigne et la voûte qui la couvre. Ce réservoir a 2 hectares de surface et 5 mètres de profondeur ; il renferme 100 millions de litres. C’est une forêt de piliers, je crois, en avoir compté 624 ; ils soutiennent une voûte qui a 75 centimètres d’épaisseur, et que recouvrent 50 centimètres de terre gazonnée, — système excellent qui maintient l’eau à une fraîcheur salubre, très peu sujette à l’influence des variations atmosphériques. On a fait à cet égard une expérience concluante. Le réservoir est resté plein pendant toute la période de l’investissement : on le gardait comme dernière ressource pour un en-cas désespéré ; la température extérieure a été très froide et est descendue le 24 décembre 1870 et le 5 janvier 1871 à 11 degrés au-dessous de zéro, — celle de l’eau, se maintint entre 12 et 6 degrés. Un mur sépare le réservoir en deux parties égales et en fait ainsi deux bassins distincts, de sorte que lors du nettoyage, qui s’opère une fois par an, on ne les vide que successivement, de façon à conserver toujours une provision d’eau suffisante.

Je ne me lassais pas d’admirer ce travail colossal, mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Mon guide alluma une lanterne, me