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accomplit de véritables tours de force. Quand une tige se détache et tombe au fond de la longue gaîne circulaire, on ne cherche pas à la ressaisir à tâtons, comme autrefois, avec des pinces ; on procède scientifiquement : de la cire appliquée sur un disque moule « l’accident » de façon à reproduire l’obstacle qu’il faut vaincre et à indiquer la manière d’opérer à coup sûr. Il y a là pour cet objet des instrumens de secours qui ont des formes inaccoutumées, — l’un, qui a quatre mains de fer agissant d’ensemble pour ramasser un fragment d’appareil détaché, — un autre, qu’on nomme la caracole, qui saisit avec certitude au-dessus du bourrelet une tige brisée et la rapporte. Je parlais aux hommes d’équipe du taraudage célèbre de Mulot ; ils ont souri et m’ont répondu : C’est l’enfance de l’art ! Tous ces procédés n’étonnent guère les ingénieurs, mais il est difficile à un profane de ne point les admirer.

Les grands travaux hydrauliques de notre temps ont eu pour but de donner aux Parisiens de l’eau de source à boire, eau très pure, choisie avec discernement, captée à l’endroit même où elle sort de terre, et tenue par conséquent à l’abri de toute influence pernicieuse. On a fait de longues études, de nombreux essais, on a dégusté, analysé bien des eaux diverses, et l’on s’est enfin arrêté au projet de dériver la source de la Dhuis en la prenant à Pargny, dans le département de l’Aisne, et les sources qui forment la Vanne, rivière qui sort du département de l’Aube pour aller tomber dans l’Yonne auprès de Sens[1] ; les sources de la Dhuis et de la Vanne offraient cette condition indispensable d’être situées à une altitude qui leur permettait d’arriver, en suivant une pente pour ainsi dire naturelle, sur un des points culminans de Paris d’où il ne resterait plus qu’à les faire parvenir dans la ville. Les décrets du 4 mars 1862 et du 19 octobre 1866, qui ordonnaient l’expropriation pour cause d’utilité publique des terrains que les aqueducs devaient traverser, soulevèrent des objections sans nombre de la part des populations qui se disaient ou se trouvaient lésées. Des pétitions furent adressées au sénat, qui, après discussion publique, estima qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte. La Vanne est à 173 kilomètres 83 mètres de Paris ; les travaux sont en partie achevés, et, en visitant l’aqueduc d’Arcueil, nous avons vu quelle grandiose apparence ils revêtent parfois. La Dhuis est moins éloignée, elle est cependant encore à une distance de 130 kilomètres. Nous la buvons, car elle a fait son entrée solennelle à Paris le 15 août 1865.

  1. Les sources qui lui donnent naissance sont au nombre de onze : la Bouillarde, Armentières, Bime de Cerilly, Flacy, Chigy, Le Maroy, Saint-Philibert, Malhortie, Caprais-Roy, Theil et Noé.