Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possèdent l’indigénat allemand ; 2° la société de Jésus et les congrégations qui sont en rapport avec elle sont bannies de l’empire allemand. — M. Constantin Franz, qui n’est point catholique, critique cette législation draconienne avec une franchise éloquente. Il insiste sur la dangereuse latitude donnée au pouvoir civil par l’expression si vague « des ordres en relation avec les jésuites. » Il fait remarquer avec raison qu’en réalité depuis le concile la pensée-mère de l’ordre des jésuites a prédominé dans le catholicisme, qu’il est très inutile de les frapper seuls, que d’ailleurs la loi est bien impuissante en face d’adversaires si habiles, qui ont su rompre ou traverser des mailles législatives bien plus savamment ourdies, — qu’on ne parvient par de tels procédés qu’à enflammer le fanatisme et rendre la vitalité à une église qui, constituée comme elle l’est aujourd’hui, ne vit que par la guerre et aurait tout à perdre à la liberté et au calme. — La juste antipathie qu’inspire l’ordre fameux et funeste qui a poussé le catholicisme aux extrêmes en extirpant de son sein tous les élémens libéraux fait que beaucoup de bons esprits approuvent l’expulsion des jésuites de l’empire d’Allemagne. Il est très vrai qu’on leur applique ici leurs propres maximes, et qu’on ne fait aux révérends pères que ce qu’ils déclarent hautement vouloir faire à tous leurs adversaires religieux partout où ils seraient les plus forts. N’oublions pas néanmoins que dans de pareilles mesures la liberté elle-même est en cause. Si nous ne savons pas la respecter, même quand il s’agit de ses pires ennemis, nous n’aurons pas le droit de l’invoquer en notre faveur, sans compter que ces persécutions mesquines ne font que grandir le péril que l’on redoute et rendent aux plus tristes causes une espèce de dignité morale.


IV

On ne sait trop ce qui pouvait manquer au gouvernement prussien après le vote de ces lois pour régler d’une façon dictatoriale toutes les affaires ecclésiastiques. Dans l’école comme dans l’église, on ne pouvait enseigner que ce qui lui convenait ; ses inspecteurs et sa police lui assuraient le silence des opposans ; les ordres militans de l’église étaient sous le coup d’une loi de proscription. Ce n’était pourtant pas assez pour « l’empire évangélique. « Il n’y a pas lieu de s’en étonner, on ne s’arrête pas dans la voie de la contrainte religieuse ; frapper à moitié, c’est frapper inutilement ; l’adversaire qu’on exaspère sans le briser est devenu plus dangereux.

Il faut aussi reconnaître que la passion a parlé plus haut que la logique. Les quatre lois que le gouvernement prussien vient de faire voter ont suivi de très près l’allocution par laquelle le pape a