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divisions en avant de Châtillon ; mais bientôt, voyant l’attaque française arrêtée, il continuait sa marche sur Versailles, laissant en position devant nous le IIe corps bavarois, qui était suivi à son tour du VIe corps, appuyé à Choisy-le-Roi et venant prendre dans cette région des postes qu’il n’a pas cessé d’occuper pendant tout le siège. Le Ve corps touchait déjà par ses têtes de colonne à Versailles vers deux-heures, et de ces troupes, qui défilaient incessamment jusqu’au soir, une partie restait dans la ville, qui ne s’appartenait plus désormais, l’autre partie s’écoulait vers Saint-Germain, puis vers la Seine, dans la direction de Chatou, pour rejoindre le IVe corps, venant du côté de Saint-Denis.

Dès lors la jonction était faite. Les forces allemandes se reliaient de tous côtés au nord et au sud, sur la haute et la basse Seine. Chaque corps avait sa zone d’investissement tracée et son rôle défini d’avance. Versailles restait le grand campement de l’invasion, et c’était, surtout le premier jour, un campement bizarre, bruyant, confus en apparence et au fond très rigoureusement, très méthodiquement ordonné. On sentait la puissance inflexible de la discipline dans ces premiers désordres de la prise de possession d’une ville inconnue par des troupes qui sortaient d’un nouveau combat, qui arrivaient exténuées de fatigue et exaltées par le triomphe. Réquisitions, brutalités, déprédations, rien ne manquait, rien ne troublait le service. Ils étaient à peine arrivés que déjà les bivouacs se rangeaient dans les avenues, les forges de campagne fonctionnaient sur la Place d’Armes, les voitures étaient en réparation. C’est un récit fait sous les auspices des autorités municipales de Versailles qui le dit : « tout, même la violence, avait sa règle tracée d’avance, de façon à laisser les passions mauvaises du soldat se satisfaire sans troubler l’ordre nécessaire à l’ensemble. » Si Paris était investi, Versailles était occupé, et entre les deux villes s’élevait désormais un mur d’airain.

C’était assurément une opération hardie de venir cerner Paris, s’établir à Versailles, non pas avec les 80,000 hommes de cavalerie dont M. de Bismarck parlait à M. Jules Favre, mais avec 24,000 cavaliers et 125,000 hommes d’infanterie. En se mettant aussitôt à l’œuvre pour organiser l’investissement et assurer leurs positions, en poussant leurs avant-postes sur les hauteurs de Saint-Cloud, à Sèvres, à Meudon, les Prussiens sentaient bien eux-mêmes leur faiblesse. Le Ve corps particulièrement ne pouvait suffire à défendre l’intervalle de Chatou à Meudon avec l’obligation d’occuper Versailles. Aussi les chefs de l’armée allemande pressaient-ils l’arrivée de forces nouvelles. Ils appelaient le Ier corps bavarois, qui se plaçait à Montlhéry pour marcher bientôt de là sur Orléans, le