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rassemblé. D’un autre côté, le gouvernement avait donné à la défense de Paris la plus solide et la plus précieuse des forces ; il avait fait venir des ports, avec une artillerie de plus de 200 pièces de gros calibre, près de 14,000 marins qui, selon le mot du général Trochu, ont été depuis « le personnel d’élite du siège. » C’était une compensation réelle dans le vide laissé par le départ de presque toutes les troupes régulières. Le 13e corps, à peine organisé, avait été envoyé sur Mézières à l’appui de Mac-Mahon. Si le 14e corps n’avait pas pris la même route, c’est qu’il n’était pas encore prêt ; on se disposait à le faire partir. En dehors de cela, il restait des dépôts de la garde ou de quelques autres régimens. Sans pouvoir suffire à tout, les marins devenaient dans ces conditions une inestimable ressource ; ils restaient un instant la seule force sérieuse de cette défense qu’on préparait.

Au 4 septembre, tout n’était point assurément achevé, et désormais la situation devenait pressante. On ne pouvait plus compter que par jours et par heures. Il fallait se hâter à tout prix, compléter les approvisionnemens en faisant rentrer dans Paris les récoltes de tous les environs, donner une organisation régulière et méthodique à la défense, activer la construction des ouvrages nouveaux. Ce n’était pas facile dans le trouble du lendemain d’une révolution. Le général de Chabaud-Latour avait la plus grande peine à reconstituer ses ateliers, à retrouver ses ouvriers, que le moindre prétexte éloignait du travail, et il en résultait de désolans retards. Ce qui manquait plus que jamais et plus que tout le reste, c’était le nerf de la guerre, — non pas l’argent, on allait en avoir pour tout, même pour les choses inutiles, — mais une armée, sans laquelle le siège ne pouvait être que le plus périlleux problème. Heureusement on recueillait dès le 7 septembre une des dernières épaves de nos armées, ce 13e corps, qui n’avait pas eu le temps d’aller s’engouffrer à Sedan, qui s’était arrêté à Mézières et que le général Vinoy ramenait prudemment, habilement, à travers toutes les difficultés, échappant aux poursuites de l’ennemi qui le pressait. Par sa retraite, accomplie avec autant de décision que de dextérité, avec succès en définitive, le général Vinoy rendait à Paris un noyau de forces régulières.

Je résume cette situation au 15 septembre. L’approvisionnement pouvait passer pour assuré sans qu’on pût au juste en préciser les ressources. L’armement en matériel semblait puissant et abondant, puisqu’on avait fait refluer à Paris tout ce qu’on avait pu tirer de la province ; il restait encore par malheur confus et décousu. La défense de l’enceinte, habilement organisée, avait été distribuée en neuf secteurs placés sous le commandement d’officiers-généraux,