Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

microphytes parmi lesquels le plus remarquable était une petite algue d’un aspect particulier dont les spores se rencontrent en même temps disséminées dans l’air de cette région éminemment insalubre ; la rosée qui se déposait sur un verre froid en contenait toujours un grand nombre. Ces spores abondaient vers la fin du mois d’août ; or il suffisait de verser dans l’eau chargée de cette végétation quelques gouttes d’une solution de sulfate de quinine pour voir sous le microscope les algues et les spores s’étioler et s’affaisser. En présence des faits de cette nature, dont les exemples tendent à se multiplier depuis un certain nombre d’années, il n’est guère permis de condamner sans appel l’opinion de ceux qui voient dans les miasmes quelque chose de matériel, de tangible, voire de vivant.

On ne peut nier, d’un autre côté, que les faits que M. Armand oppose à l’hypothèse de l’intoxication miasmatique ne soient d’un certain poids. A cet égard, il faut d’abord citer le résultat d’une expérience qu’il a tentée un jour en Algérie pour s’assurer si le sang d’un fébricitant, inoculé à un homme sain, communique à celui-ci la fièvre intermittente. Convalescent de fièvre et exposé à des récidives, il ne devait pas songer à faire l’expérience sur lui-même : elle n’eût pas été probante. C’est alors que le porteur du sac d’ambulance qui accompagnait M. Armand dans ses visites, le soldat Pierre Lafond, s’offrit spontanément et sans hésitation aucune comme sujet d’expérience. Sa proposition fut acceptée ; avec la pointe d’une lancette imprégnée du sang d’un fiévreux, on lui fit trois piqûres à chaque bras, comme pour une vaccination. Cette inoculation ne fut suivie d’aucun accident ; après plus d’un an, l’état général du soldat était toujours excellent. Il ne semble donc pas qu’on puisse chercher la cause de la fièvre intermittente dans un empoisonnement miasmatique du sang. M. Armand ne veut même pas y voir une influence paludéenne. Selon lui, deux faits généraux dominent le mode d’apparition des fièvres en Algérie : elles vont en augmentant avec les chaleurs, et elles règnent aussi bien dans les portions du territoire réputées les plus saines, c’est-à-dire dans les massifs montagneux, que dans la région des plaines et des marais ; il s’ensuivrait, toujours selon M. Armand, que les conditions météorologiques sont pour l’étiologie des fièvres intermittentes d’une importance capitale, tandis que les circonstances locales n’ont qu’une influence secondaire.

Ce qui dispose surtout aux fièvres, ce sont les alternatives trop brusques des fortes chaleurs du jour et des froids nocturnes, accompagnés de serein. Dans la zone montagneuse, à Médéah, Sétif, Constantine, le thermomètre descend parfois au-dessous de zéro pendant la nuit, tandis que la chaleur du jour est intolérable. Des températures de 40 degrés à l’ombre ne sont pas rares ; mais c’est surtout par les jours de sirocco qu’on voit le mercure du thermomètre atteindre cette région de l’échelle où il se maintient dans les étuves des manufactures de coton.