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c’est l’âme encore neuve qui agit d’inspiration, qui obéit au premier mouvement, qui ne compte pas avec les devoirs du cœur. Il ne figure, hélas ! que dans une sorte d’avis charitable que M. de Solis donne à sa jeune femme au début de l’action. Il l’a surprise allumant les bougies de deux candélabres placés devant une glace sans tain qui permet de les voir du dehors. Elle a voulu les éteindre aussitôt ; le comte, un peu surpris, a rallumé le fanal sans rien dire. La conversation roule ensuite sur cet enlèvement de lady Forster, qui est partie avec un acrobate sans rien emporter. — C’est admirable ! dit Mme de Solis. — Moi, j’admire le saltimbanque, lui répond son mari ; il n’a point hésité, il n’a pas eu peur des regrets et des embarras du lendemain ; il est vrai que c’est son métier de ne douter de rien.

En quittant sa femme, M. de Solis la prie de l’excuser auprès de son cousin. « Je suis en retard avec lui d’une visite. » — Il la laisse dans une grande perplexité, car sous ses phrases banales elle a cru saisir une secrète intention. La soupçonnerait-il ? C’est qu’elle attend ce cousin, qu’elle devait un jour épouser et dont on l’a séparée parce qu’il était sans fortune. M. de Neville alors est parti pour se créer une position qui lui permît d’aspirer à la main de Jeanne ; il revient, et il trouve sa cousine mariée au comte de Solis, ancien officier, un peu raide de tournure et de principes, et qui n’a guère su changer en réalité les rêves de bonheur de sa romanesque petite femme. Jeanne a donné rendez-vous à son cousin pour s’expliquer avec lui entre quatre yeux ; les feux des candélabres étaient le signal qu’il attendait pour accourir. Il arrive en effet, M. de Solis à peine parti. Il arrive le cœur encore tout plein du souvenir de son premier amour, et son cœur déborde ; Jeanne le rappelle au sentiment de leur situation, lui défend de voir en elle autre chose qu’une amie. Le compromis est accepté, le pacte signé, et, rassurée par ces vaines précautions, Jeanne se trouve bientôt dans les bras de son cousin, qui, à genoux, la supplie de fuir avec lui.

À ce moment, la porte s’ouvre, et M. de Solis paraît. Il se domine pourtant, tourne sur ses talons, s’élance dans son appartement. Les deux amoureux restent interdits, décontenancés devant cette porte qui s’est fermée sur leur juge. Le temps s’écoule, M. de Solis ne revient pas ; que va-t-il se passer ? A la fin, cela tourne au comique ; l’amant lui-même s’impatiente : « Que diable ! on ne laisse pas un honnête homme dans une situation pareille ! » Cette scène, très originale et d’un grand effet, a peut-être le tort de promettre plus qu’elle ne peut tenir. Le comte reparaît enfin. Il a retrouvé tout son sang-froid, et il prie M. de Neville de le laisser un moment seul avec sa femme : elle n’a rien à craindre ! Alors il annonce à Jeanne qu’il entend lui rendre sa liberté. Elle a vu dans le mariage autre chose que ces devoirs qui font que l’épouse est mieux qu’une maîtresse ; . elle n’aime pas son mari, qu’elle parte avec son amant ! M. de Solis est prêt à lui remettre sa fortune personnelle ; il