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haussent les épaules quand on leur parle d’une opposition catholique au concile, comme si c’était l’illogisme même, font preuve d’autant d’ignorance que de frivolité. Si nul schisme sérieux n’éclate dans notre pays, il faut en chercher la raison non pas dans sa supériorité, mais bien au contraire dans son indifférence religieuse. Certes le mouvement des vieux-catholiques, qui prit naissance à Munich après l’excommunication de Döllinger, avait quelque droit à se donner comme étant en pleine conformité avec la tradition de l’église, et les gouvernemens qui voulaient résister à Rome y trouvaient : un précieux point d’appui. Il était d’autant plus facile de lui accorder un brevet d’orthodoxie, que les évêques allemands avaient pris la tête de l’opposition à Rome, et que leurs conciliabules comme leurs discours étaient universellement connus de toute l’Allemagne. On savait même que l’un d’eux, M. de Ketteler, s’était jeté aux pieds du pape pour le supplier de ne pas pousser à la proclamation du nouveau dogme. Les lettres sur le concile publiées par la Gazette d’Augsbourg, si mordantes parfois, si éloquentes et toujours si bien informées, en avaient ouvert les coulisses et révélé les ressorts secrets. On savait de quelle manière la curie romaine avait fait parler la voix du Saint-Esprit. L’opinion était préparée à la résistance quand l’épiscopat allemand fît une des plus scandaleuses volte-faces dont on ait souvenir, et lança contre ses alliés et confidens de la veille les foudres d’une excommunication à laquelle il ne pouvait croire lui-même. On se rappelait encore qu’un prélat bien connu, l’un des chefs de la hiérarchie, avait dit à un ami : « Quand tous se soumettraient, moi seul je résisterai, et si omnes, ego non ! » Ce même évêque frappait de ses censures, quelques mois après le concile, celui-là même qui avait recueilli de sa bouche cette parole courageuse !

Les origines du vieux-catholicisme à Munich sont connues de tout le monde. Depuis sa constitution dans le Muséum de Munich en septembre 1871, il s’est largement développé. Il n’a point dévié, il n’est point devenu, comme le mouvement du curé Ronge, une simple variante de la libre pensée, il est resté chrétien et catholique, s’opposant à l’infaillibilité papale au nom de l’ancienne église et de l’Évangile. Il a rallié des hommes éminens par le savoir et l’éloquence et entourés d’une considération universelle : surtout il s’est popularisé et organisé ; sortant de la sphère des universités, où il avait pris naissance, où il conservait une position importante, il a parlé au peuple, à la bourgeoisie ; en cessant d’être une simple école, il est devenu une église. Ceux qui ont assisté au congrès de Cologne, au mois de septembre de l’année dernière, ont pu mesurer les progrès qu’il a faits dans l’opinion. Des centaines de délégués appartenant à la bourgeoisie siégeaient à côté