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resta Française. Devenue reine, elle ne se fit connaître que par ses vertus et ses bienfaits ; elle s’effaça devant Louise de Savoie, à qui son titre de mère avait donné sur François Ier l’ascendant fatal que devaient prendre plus tard la duchesse d’Étampes et la comtesse de Chateaubriant. Chargée de la régence pendant la captivité de son fils, Louise montra dans cette fonction une incontestable habileté politique ; mais hors de là elle ne fit que compromettre la fortune du royaume. Cupide et prodigue tout à la fois, elle puise à pleines mains dans le trésor public pour répandre ses largesses sur les Montpélot, les Bonnivet, les Montmorency et les courtisans qui s’associent à ses cabales. Elle nous fait battre en Italie en gardant l’argent destiné à la solde des Suisses, qui refusent de marcher parce qu’ils ne sont pas payés. A l’âge de quarante-cinq ans, elle se passionne pour le connétable de Bourbon, mais celui-ci reste insensible à ses charmes surannés, et, pour se venger, elle le poursuit avec une haine implacable. La part glorieuse prise par le connétable aux victoires d’Agnadel et de Marignan, le midi sauvé de l’invasion après la déroute de Novarre, rien ne peut le défendre contre les rancunes de la femme qu’il a dédaignée, spretœ injuria formœ ; menacé dans la possession de ses biens par un procès injuste, outragé dans son honneur militaire pendant la guerre de Flandre, ce vaillant soldat, l’un des plus grands hommes de guerre de son temps, passe à l’ennemi. Il retrouve Bonnivet sur le champ de bataille de Rebecq et lui fait subir une sanglante défaite ; il retrouve François Ier sur le champ de bataille de Pavie, décide la victoire des Espagnols, et offre en présent à Charles-Quint ce roi de France qui vient de le sacrifier aux intrigues de sa mère.

Vingt ans s’étaient à peine écoulés depuis la mort de Louise de Savoie, qu’une étrangère formée à l’école des grandes trahisons, Catherine de Médicis, venait s’asseoir sur le trône de saint Louis. Pendant la vie de son mari et de son fils aîné, elle trouva devant elle Diane de Poitiers et Marie Stuart, et, comme elle savait par l’expérience des choses humaines qu’une femme légitime ne peut pas lutter contre une maîtresse et que l’ascendant d’une mère, s’efface devant les séductions d’une jeune femme, elle laissa Henri II à Diane de Poitiers et François II à Marie Stuart. Quand la minorité de Charles IX eut enfin remis entre ses mains, par le titre de régente, le pouvoir qu’elle avait attendu si longtemps, elle inaugura dans sa nouvelle patrie le système de la corruption et de la ruse, dont elle avait appris le secret dans le livre du Prince, ce code des parvenus du genre humain que Machiavel avait écrit pour son père, Laurent II de Médicis, et dont elle fit, suivant le mot du temps, le bréviaire de sa cour. Douée, comme Mazarin, de l’instinct politique qui est particulier à la race italienne, et comme lui profondément