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élevait les pontifes. La fortune sembla servir encore Henri en brouillant son fils Conrad avec la comtesse Mathilde. Le mépris public avait fait justice de la félonie de ce prince malgré les honneurs dont les grégoriens l’entourèrent. Il traînait une existence languissante. Le remords de sa révolte a-t-il agité son âme faible ? On peut le croire. Il est certain qu’il fut en froideur avec sa cousine, d’après le témoignage du chapelain même de Mathilde[1]. Comment la peu scrupuleuse princesse a-t-elle perdu son ascendant sur ce jeune homme dont elle avait fait la fortune ? On l’ignore. A-t-elle craint qu’il ne retournât dans le giron paternel ? On le présume. Le malheureux a-t-il alors été victime d’un odieux attentat ? Les ennemis de Mathilde n’ont pas manqué de le dire lorsqu’on apprit la mort imprévue (1101) et si prématurée du jeune roi d’Italie. Il paraît assuré qu’il mourut de poison. Les chroniqueurs grégoriens eux-mêmes en conviennent[2]. Qui donna le poison ? Un contemporain, Landulfe de Milan, assure que ce fut Avien, médecin de la comtesse Mathilde[3], et Landulfe n’est point un partisan d’Henri IV. La fortune était encore trompeuse pour le chef de l’empire. Au pape Urbain succédait un autre héritier désigné par Grégoire VII et par Urbain lui-même. C’était Pascal II, élu à Rome le 13 août 1099, noble romain, connu auparavant sous le nom de Rainier, cardinal du titre de Saint-Clément[4], et qui fut bien plus dur envers Henri que son prédécesseur. Henri, que gagnait le découragement, se montra résigné à des conditions conciliantes après la mort de son fils Conrad. L’opinion l’exigeait de lui ; il en affirma la volonté dans la diète de Mayence de 1102, et annonça qu’il se soumettrait à un concile général dont il proposait et acceptait la convocation, à Rome même[5] ; mais la réponse de Pascal fut qu’Henri n’avait qu’à purger son excommunication et qu’un nouveau concile était inutile après tant de condamnations. Du même coup Pascal renouvela solennellement les sentences fulminantes de ses prédécesseurs. Henri demeura confondu ; ses ennemis l’accusèrent même de mauvaise foi et de duplicité dans ses propositions. La guerre était donc rallumée et plus désespérée que jamais. Un désaccord qui survint

  1. « Iïntra Chonradus Longobardos comitatus dum staret, discors a Mathilde fuit ipso tempore. » Donizo, II, 13.
  2. Ekkehard, ou la chronique d’Ursperg, sub ann. 1101. Dans Pertz, VI.
  3. Landulfus junior, Histor. Mediol., cap. I, dans Muratori, Script, rer. ilalic, V, p. 459-520 : « Rex ipse, prudens et sapiens, atque decorus specie, proh dolor, adolescens, accepta potione ab Aviano, medico Mathildis comitissæ, vitam finivit. »
  4. Voyez les Vitæ de Watterich, t. II, p. 1 et suiv., et les Regesta de Jaffé, p. 479.
  5. « Imperator ; habito cum principibus colloquio, Romam se profecturum, ac générale concilium ibi habiturum condixit, quatenus tam sua quam domini Apostolici causa canonice ventilata, catholica inter regnum et sacerdotium firmaretur unitas, quæ tot annis scissa permanserat, » Annalista saxo, ad ann. 1102.