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religieuse dans Goslar, la ville chérie des Otton, fondée par Henri l’Oiseleur lui-même, le chef de la grande dynastie nationale de Saxe[1]. Otton de Nordheim était usé : il mourut en 1083, quelque peu discrédité[2]. Berthold de Zäringhen cherchait trop ouvertement son profit personnel, et d’ailleurs son aspiration perpétuelle à l’empire était marquée d’une hésitation non moins constante. Il pouvait y avoir un intérêt public à le laisser en Souabe. Hermann était un cadet de grande race, d’origine carlovingienne, d’attaches ottoniennes, fils de Gilbert, puissant comte de Luxembourg et de Salm en Ardenne. Ses oncles avaient été ducs bénéficiaires de Bavière : il était neveu d’un évêque de Metz et de Baudouin, comte de Flandre, allié des Welfs, des maisons de Montbelliard, de Ferrette, de Bar, d’Alsace et de Boulogne, de la maison de Worms elle-même ; l’impératrice Cunégonde, l’épouse de Henri le Saint de Saxe, comptait parmi ses aïeules. Par le choix d’Hermann de Luxembourg, les grégoriens avaient ébranlé l’influence morale et personnelle de la maison de Franconie, dans la Basse-Lorraine, la Mosellane, l’Alsace et la France rhénane ; mais la politique à laquelle était due l’élection de l’anticésar n’avait pas été du goût des fougueux et revêches Saxons, qui ne purent supporter longtemps d’être gouvernés par un Austrasien. Hermann débuta pourtant par des succès militaires. Il remporta sur les impériaux une victoire à Hochstett. L’annaliste saxon lui accorde les grandes qualités d’un guerrier. Il n’en obtint pas moins difficilement l’obéissance, et fut appelé par mépris le roi d’Eisleben, du lieu de sa résidence ; on le nomma Gousse d’ail[3], on le tourna en dérision, tant il est malaisé, pour les chefs eux-mêmes, de gouverner longtemps la révolte. Élu par un parti, sa chute fut préparée par le parti opposé. Il eut des faiblesses qui furent vainement rachetées par de nouveaux succès, et les revers de 1086 achevèrent de ruiner son crédit. Le margrave Ekbert de Brunswick[4], qui convoitait depuis longtemps la royauté, finit

  1. Voyez les Annales Yburgenses, dans Pertz, XVI, p. 437 et suiv., et l’Histor. landgr. Thurtngiœ, dans Pistorius-Struve, I, 1303. Cf. Giesebrccht III, p. 1118.
  2. Otton de Nordheim laissa deux fils, Henri le Gras, margrave de Frise, et Otton, comte de Bichlirg, lesquels restèrent à la tête de l’insurrection saxonne jusqu’à leur mort. Otton de Nordheim avait été très variable dans sa conduite politique ; tantôt révolté, tantôt soumis, il passait de l’extrême arrogance à l’extrême humilité, de la disgrâce à la faveur, aux dépens de sa considération. Lambert d’Aschaffenbourg, sur l’an 1076, nous fournit d’intéressans détails sur ce point. Cf. Mascov, p. 95. Les deux évêques d’Halberstadt et de Magdebourg devinrent par l’influence des Nordheim de vrais boutefeux grégoriens, et plus puissans que les Nordheim eux-mêmes, dont les vastes héritages ont passé plus tard par mariage dans la maison des Welfs de Bavière, et par ceux-ci dans la maison de Hanovre, leur héritière, qui en a possédé les débris jusqu’à nos jours.
  3. Voyez les Annal. Palidenses, dans Pertz, loco cit.
  4. « Echertus maichio de Bruneswich… animi strenuus et animosus atque ditissimus, iterum in Saxonia contra imperatoris tyrannidem suscitavit, etc. » — Annalista saxo, dans le Corpus d’Eccard, t. Ie », p. 567.