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avait-il lui-même dans ces négociations ? Etaient-elles aussi près d’aboutir que ces négociateurs l’ont prétendu, ou n’ont-elles jamais rien eu de sérieux, comme on l’affirme au Vatican ? Ce sont des questions auxquelles il n’est point facile de répondre. Pourtant, si on en doit juger par les événemens, on peut affirmer que le comte de Cavour ne se faisait pas d’illusions, et que la cour de Rome n’aurait jamais fait de son gré les concessions qu’on lui demandait. Du moins M. Minghetti, qui, selon le mot du comte de Cavour, était son seul conseiller dans ces sortes d’affaires, a-t-il soutenu à la chambre que les négociations avec la cour de Rome avaient aux yeux de M. de Cavour moins de chances de succès que celles qui étaient nouées en même temps avec l’empereur Napoléon. Celles-ci du reste n’aboutirent pas non plus et ne furent reprises qu’en 1864, quand M. Minghetti se trouva président du conseil. Toutefois un élément nouveau entrait alors dans les négociations. Non-seulement la France s’engageait à quitter Rome, et l’Italie à ne pas envahir le territoire pontifical, mais avec l’exécution de la convention coïncidait le transfert de la capitale de Turin à Florence. L’empereur se trompait en croyant que ce changement de capitale aurait pour effet de ralentir en Italie le mouvement des esprits vers Rome ; il n’a au contraire servi qu’à le hâter.

Les documens publiés par M. Bianchi ne peuvent donc servir aujourd’hui qu’à nous faire connaître les idées d’un grand politique sur les relations à établir entre l’état et l’église ; l’hypothèse dont il partait était bien différente des conditions réelles où le ministère Lanza a eu à se débattre. Le comte de Cavour supposait la possibilité d’entrer à Rome d’accord avec le pape ; c’était au pape consentant qu’il attribuait de si grands privilèges ; c’était en faveur d’une église dirigée par un chef qui avait renoncé à toute hostilité qu’il abdiquait tous les droits de l’état. Aurait-il fait de même, si le pape eût refusé tout accord, si l’église se fût armée en guerre contre l’état, si la liberté de l’église n’eût dû servir qu’à en mettre le gouvernement aux mains des jésuites et des plus fanatiques ennemis de tout progrès ? On ne peut en douter, puisqu’il l’a dit expressément ; mais, ne l’eût-il pas dit, il suffit d’avoir connu le caractère hardi et prudent de cet homme pour être convaincu qu’il n’aurait pas hésité à suivre, dans les conditions actuelles des relations entre l’état et l’église, le même système qu’il avait conçu en d’autres temps et pour d’autres occasions, car ce système avait une valeur absolue à ses yeux. Il croyait fermement que, même si la séparation entre l’état et l’église ne parvenait pas à s’établir par un accord préalable, cette séparation obtenue n’en produirait pas moins un grand apaisement dans les esprits. En effet, la part qu’on y eût faite à l’église devait être celle qui lui revient de droit, et avec le temps