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rôle, qui était spontané et qui ne paraissait pas le moins important des deux. L’opposition de plus en plus décidée qui paraissait devoir se prononcer entre ses prétentions et les droits historiques des gouvernemens sur l’administration des églises nationales ne rendait-elle pas nécessaire, désirable, providentiel, qu’il fût privé des droits de souveraineté sur un territoire quelconque, et des prérogatives qui se rattachaient à ces droits ? L’église romaine, aiguillonnée de tous côtés, se voyant d’une part en butte aux hostilités irréconciliables des partis radicaux, exaltée de l’autre par la ferveur et par l’intérêt du parti clérical et du jésuitisme, se posait comme une force morale et religieuse capable de renouveler à elle seule les sociétés laïques, tombées aux mains des libéraux, d’autant plus perfides qu’ils se montraient plus modérés envers elle. Ne fallait-il pas l’abandonner à elle-même, se contenter de croiser les bras et voir comment elle se tirerait de la mêlée où elle s’était jetée ?

Le gouvernement italien ne pouvait comprendre et utiliser mieux qu’il n’a fait l’avantage d’une pareille position. Il a saisi le rôle qui lui appartenait, non moins dans son intérêt particulier à lui que dans l’intérêt général de la civilisation, et il l’a parfaitement rempli, en prouvant par le fait que le pontife pouvait rester à Rome sans y être roi, et que la curie romaine, même en persistant dans la direction qu’elle avait finalement choisie, même en la poussant aux dernières extrémités, ne trouvait aucun empêchement à son action dans l’existence à ses côtés d’un pouvoir souverain et laïque. On peut croire que la curie romaine a dû regretter plusieurs fois qu’une épreuve si dangereuse pour elle réussît si bien au gouvernement et au peuple italien. S’ils voulaient être un peu moins modérés et un peu plus ardens ! se dit-elle quelquefois en montrant son dépit et sa déconvenue. Et les députations françaises, anglaises, allemandes, belges, arrivent de tous côtés, drapeaux déployés, se donnant l’air de se croire au milieu d’un pays sauvage, et les prédicateurs ne cessent de se servir de leurs chaires pour lancer toute sorte d’injures au roi et aux citoyens, et les fidèles sont conviés tous les jours par des avis sacrés et publics à des tridui, des novenari ou d’autres combinaisons de prières expiatoires ; mais Dieu ne les écoute pas, et refuse de leur, accorder ce qu’ils implorent de lui, — que le gouvernement ou le peuple italien sorte des gonds.


II. — LES PRIVILEGES DE LA PAPAUTE.

Il faut l’avouer, la loi du 13 mai 1871, connue sous le nom de loi des garanties, mais qui porte en réalité le titre de loi sur les prérogatives du souverain pontife et sur les relations de l’état avec