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adressée au roi la satisfaction qu’éprouve la France après l’occupation accomplie. Avouons-le, c’est encore un bonheur pour les deux pays que le gouvernement italien, ne se décidant néanmoins, comme il le devait à la France, qu’au dernier moment, ait par un fait accompli supprimé la seule cause de dissentiment qu’il y eût entre les deux gouvernemens depuis 1860, et soustrait ainsi à toute négociation une question embarrassante qu’aucune diplomatie n’aurait pu résoudre, car elle mettait en cause un tiers qui n’y voulait ni ne pouvait intervenir, et qui se serait obstiné à refuser tous les moyens termes sur lesquels on aurait pu tomber d’accord, si par hasard on en avait trouvé.

Voilà en effet le vrai caractère de cette fameuse question romaine : elle est une question cosmopolite ; elle n’est pas une question internationale. Elle est cosmopolite, car il s’y agit des conditions essentielles du gouvernement du catholicisme, qui est, ainsi que son nom le dit, un fait religieux aussi étendu que le monde ; elle n’est pas internationale, car le maintien du chef de cette religion ne peut être le devoir exclusif d’aucune nation, ni un droit que puisse revendiquer aucune autre. Si le maintien de la papauté exige que la souveraineté du pays où ce chef réside soit limitée en certaines fonctions ou droits ou pouvoirs, il est évident qu’une telle limitation ne peut être ni imposée ni acceptée par traité. Le gouvernement italien devait le comprendre ainsi et conformer sa conduite à cette pensée. Il était moins naturel que les états européens le comprissent de même ; mais plusieurs causes ont rendu possible au gouvernement italien et aux gouvernemens européens de s’en tenir à la politique raisonnable et vraie qu’ils ont suivie de part et d’autre.

Ces causes, il faut les chercher surtout dans l’attitude prise par la curie romaine. Si elle n’eût pas choisi, pour exagérer ses prétentions spirituelles vis-à-vis de tous les gouvernemens civils, le moment même où elle allait perdre son domaine temporel, elle n’aurait pas peut-être trouvé l’Europe aussi indifférente à ses plaintes qu’elle l’a été. Le spectacle de ce vieux pouvoir ecclésiastique qui se raidissait de plus en plus, qui opposait son droit à tout autre droit, qui s’affirmait dans un absolutisme toujours plus intraitable, qui semblait couper lui-même tout lien, toute attache avec les pouvoirs ordonnés de l’état, pour se poser devant les peuples comme une autorité immédiate et en relation directe avec la conscience de chacun, — ce spectacle, dis-je, a troublé les gouvernemens, les a rendus indécis sur la conduite à tenir, et leur a persuadé que l’attente et la réserve étaient la meilleure des politiques. Si ce pouvoir ecclésiastique a vu changer, par l’entrée des Italiens à Rome, son mode d’existence en Europe, il se faisait en même temps un autre changement dans sa manière de comprendre son