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peu charnue, son expression de bonté tranquille serait bien faite pour rassurer le suppliant, s’il pouvait être alarmé. Quant au chanoine, c’est une jolie figure de vieillard en qui se sont conservés quelques-uns des traits de l’enfance, pâle, fine, une figure d’une innocence presque virginale et qui fait penser qu’en s’adressant à la Vierge le chanoine s’adresse non-seulement à la protectrice commune des chrétiens, mais à sa patronne naturelle. Enfin le badigeon, qui n’a pu être enlevé à fond, prête encore un dernier charme à cette fresque, car elle nous apparaît ainsi comme un spectacle aimable que nous verrions distinctement à travers un rideau de gaze diaphane. C’est l’œuvre d’art la plus intéressante que contienne la cathédrale, et, comme elle n’est pas connue, la découverte étant relativement récente, et qu’elle n’a été mentionnée encore que par les archéologues de la province, nous la signalons à l’attention de tous les artistes qui traverseront Nevers[1].

Nevers conserve encore la petite maison d’Adam Billault, ce menuisier-poète qui est arrivé à la postérité avec une toute gentille chanson à boire, trop célèbre pour que nous ayons besoin de la rappeler. C’est à peu près tout ce que nous connaissons de lui ; nous avions eu d’abord la pensée de pousser plus avant la connaissance, mais vraiment la vie est trop courte pour que nous puissions en distraire une parcelle en faveur du vieux menuisier. Je doute d’ailleurs, au moins s’il faut en juger par une pièce détestable écrite en l’honneur des eaux de Fougues, dont il avait obtenu le privilège, et plus encore en l’honneur de sa protectrice, Marie de Gonzague, la reine de Pologne, que la plupart de ses vers vaillent ceux du maçon Charles Poncy, voire du cordonnier Savinien Lapointe, qui, moins heureux que lui, n’ont pas été entourés de leur vivant des mêmes nobles soins, et n’iront pas après leur mort à une aussi lointaine postérité, soins et hommages qui prouvent, par parenthèse, que l’ancienne France n’était pas une marâtre bien dénaturée, même pour les menuisiers. Si le bon Adam Billault revenait au monde aujourd’hui, combien ne lui faudrait-il pas de chansons à boire de la valeur de sa célèbre petite pièce pour acquérir la célébrité ? Peut-être lui vaudrait-elle la bienveillance de quelque petit journal pendant quinze jours, et encore faudrait-il qu’il eût

  1. On a beaucoup écrit sur la cathédrale de Nevers dans ces quarante dernières années ; nous signalerons seulement les travaux que nous avons consultés bien que nous en ayons peu profité, le Voyage archéologique de Mérimée dans le midi de la France, l’intéressante monographie de Mgr Crosnier, évêque de Nevers, une brochure de l’abbé Bouthillier, enfin l’excellente description qu’a donnée de la cathédrale M. de Soultrait dans son Guide archéologique à Nevers, description qui permet de retrouver dans l’église actuelle toutes les dispositions de l’église d’autrefois.