Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

admirable et compense hautement par la qualité la quantité, qui manque. C’est un superbe édifice, d’une élégance sombre, où s’unissent dans une sévère harmonie ce que le moyen âge eut de plus morose et la renaissance de plus sérieux. Cela est riche, altier, sans familiarité d’aucune sorte, et tout semblable pour l’impression qui en résulte à ces portraits de seigneurs italiens et espagnols du XVIe siècle, si magnifiques sous leurs costumes de retours noir rehaussé de satin pourpre, mais qui cherchent moins à plaire à l’œil qu’à lui inspirer une sorte de respectueuse timidité. Deux énormes tours rondes flanquent les deux côtés de l’édifice, mais c’est à peine si on en remarque l’aspect massif, tant il est bien corrigé par les deux tourelles hexagonales qui en sont rapprochées et par la longueur de la façade. Au centre se renfle une tourelle octogonale percée d’innombrables ouvertures disposées en spirales qui suivent les courbes du grand escalier intérieur ; c’est une sorte d’épisode architectural d’un merveilleux et presque féerique effet. Deux tourelles rondes engagées dans le mur, placées à égale distance de cette tourelle octogonale, partant seulement du premier étage et s’arrêtant au bord du faîte, complètent ce palais, d’une correction fantasque et d’une fantaisie correcte, où, comme chez les hommes d’existence princière, la force est partout enveloppée par la grâce. Au-dessous des lucarnes, entre les fenêtres, tout le long des spirales de la tourelle du centre, se déroulent des armoiries sculptées, des figures d’ornement, des bas-reliefs charmans. Nulle part, sauf à Heidelberg, ma mémoire ne s’est rappelé avec plus de vivacité l’histoire de ce baiser que le vieux docteur Faust sollicita de la belle Hélène, évoquée par la formule de son amoureux désir. Ici comme à Heidelberg, le baiser que demandait l’enchanteur pour devenir immortel a été déposé par la jeune renaissance sur le front du vieux moyen âge ; seulement à Heidelberg il a été donné avec une chaude tendresse, tandis qu’ici il a été donné avec une complaisance sévère, comme par respectueux égard, et d’une lèvre filiale sans émotion, un peu à la façon dont l’Aurore devait baiser son vieux Tithon.

Il est presque inutile de dire que les sculptures de la façade avaient été horriblement mutilées ; elles ont été restaurées, il n’y a pas plus d’une vingtaine d’années, par M. Jouffroy, sur les indications existantes, tâche difficile dont il s’est acquitté avec autant de goût que de fidélité, s’il nous est. permis d’en juger d’après ceux des fragmens, — par exemple les cariatides à la façon de Jean Goujon, — qui font maintenant partie du musée lapidaire de Nevers. Ces sculptures, comme nous l’avons dit, sont de trois sortes : figures d’ornement, armoiries, bas-reliefs. La partie des figures