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de leur apparition, et réciproquement les cônes de scories sèches se trouvent tous dans l’intérieur des îles ; jamais, à moins de dénudations considérables, la mer n’en enveloppe la base. La distribution de la terre ferme et de la mer est donc sensiblement la même aujourd’hui qu’aux époques, pour la plupart très reculées et séparées par de longs intervalles, auxquelles ont eu lieu les éruptions volcaniques dont ces cratères ont été le produit. Si l’hypothèse de l’Atlantide était vraie, si la région des Açores n’était réduite à l’état d’archipel que depuis trois mille ans à peine, les cônes de tuf devraient y être relativement très rares, et des cônes de scories sèches antérieures à l’affaissement du sol devraient se voir actuellement en contact avec les flots de la mer. Or c’est le contraire qui s’observe. L’absence de volcans aériens au contact des flots, le nombre considérable des cônes de tuf, leur ancienneté, attestée par leurs relations avec les laves avoisinantes et par les ravages que leur a fait subir l’action lente du temps, concourent à démontrer la fausseté de l’hypothèse d’après laquelle les Açores auraient fait partie, depuis le commencement de l’époque historique, d’une sorte d’Australie située au centre de l’Atlantique. Ainsi un soulèvement grandiose créant autour des Açores une vaste étendue de terre ferme, n’a peut-être jamais eu lieu, et dans tous les cas n’a pu se manifester qu’à une époque extrêmement éloignée de nous.

Les déductions qui ressortent de ces réflexions sont les seules auxquelles conduise la géologie relativement à la question qui nous occupe. Réunies à l’ensemble des faits zoologiques et botaniques dont nous avons essayé dans les pages précédentes de présenter le tableau, elles vont nous servir à peser la valeur des théories qui ont été proposées pour expliquer l’origine des êtres organisés indigènes aux Açores. Ces théories, diverses sous beaucoup de points de vue, peuvent cependant être groupées et partagées en deux catégories. Dans les unes, on admet que toutes les espèces açoriennes proviennent d’une introduction étrangère ; dans les autres, on suppose qu’elles sont, au moins pour la plupart, nées sur place, et que leur état actuel n’est que la conséquence d’un développement naturel et spontané.

A la tête des partisans de l’hypothèse de l’introduction étrangère, nous trouvons Godman et Forbes. Tous deux ont été surtout frappés du caractère européen de la faune et de la flore des Açores, et ont voulu rendre compte de cette particularité en admettant qu’il s’est établi, à des époques plus ou moins anciennes, des communications entre l’archipel açorien et le continent européen. Quant à la question de savoir comment se sont opérées ces relations, ils la résolvent différemment. Godman pense que les communications accidentelles dont les hommes de l’époque actuelle sont journellement