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les détritus résineux des feuilles tombées ont achevé la destruction de ceite végétation cryptogamique.

Deux cultures spéciales ont été jadis florissantes aux Açores et en ont depuis complètement disparu. La première est celle du pastel (isatis tinctoria). Introduite vers l’an 1500 par un capitaine donataire de San-Miguel, allié à la famille normande des Béthencourt, elle prit bientôt un développement rapide, et devint l’origine de grandes fortunes. Dans le milieu du XVIe siècle, on exportait annuellement en France, en Angleterre et dans les Flandres environ 10 millions de kilogrammes de la précieuse plante ; la concurrence de l’indigo, doué de qualités tinctoriales supérieures, vint mettre un terme à cette prospérité, et en 1639 l’exportation du pastel cessa complètement. La seconde culture également disparue des Açores est celle de la canne à sucre ; elle dut céder à la rivalité du Brésil, favorisé à la fois par son climat et par les règlemens administratifs de la métropole. La rareté de plus en plus grande du combustible nécessaire à l’évaporation des sirops fut aussi une cause très puissante de la ruine de cette industrie.

Pendant près de deux siècles, l’agriculture proprement dite fut à peu près l’unique ressource des Açoriens, encore était-elle entravée par une foule de lois et d’usages nationaux. La plus grande portion du sol était la propriété des couvens ou faisait partie de majorats possédés par une noblesse inactive. La dîme pesait lourdement sur le laboureur. De fortes taxes et quelquefois même des règlemens prohibitifs arrêtaient l’exportation. Le produit des impôts était transporté à Lisbonne et employé à régler les dépenses du gouvernement sans qu’aucun avantage immédiat en résultât pour la colonie. Ces abus ont cessé. La fermeture des couvens, l’assimilation des Açores aux provinces continentales du Portugal, la suppression des majorats, ont ouvert aussitôt une ère nouvelle de prospérité. Cependant il reste encore des traces nombreuses de l’état de choses antérieur. La suppression des majorats est d’ailleurs toute récente, et les bons effets de cette mesure n’ont pas encore eu le temps de se produire.

La configuration très accidentée du sol et la difficulté des voies de communication impliquent la division des régions agricoles des îles en petites propriétés. C’est en effet ce qui est arrivé tout naturellement dans les parties qui n’étaient pas défendues par la loi des majorats. Les possesseurs des grands domaines eux-mêmes n’ont du reste jamais songé à créer de vastes fermes ; ils ont loué par petits lots les parties labourables de leurs propriétés, assurés d’en tirer ainsi un meilleur revenu. Avec la législation actuelle, il arrivera infailliblement aux Açores ce qui se produit toujours en pareil cas,