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PHILIPPE.


avons besoin, fit-elle d’un ton grave, de nous connaître et de compter les unes sur les autres.

— Adieu donc, madame.

— Au revoir, mademoiselle, dit Clotilde.

Elsie sortit lentement, comme à regret. Ce n’était pas un chagrin qu’elle avait cru trouver en franchissant le seuil de cette maison.

A peine Elsie fut-elle partie, que Clotilde alla précipitamment à Mme d’Hesy. — Eh bien ! ma mère, lui dit-elle.

— C’est le malheur qui vient à nous, mon enfant.

— Et de quelle façon ? Cette jeune fille est charmante.

— Ce ne serait qu’un danger sans cela. — Elle ne put retenir un geste de douleur. — Dieu est juste, mais il est cruel.

— Oh ! mère, s’écria Clotilde, toi, si résignée, si forte !. . Est-ce donc moi qui dois te venir en aide ? — Et, faisant comme un retour sur elle-même : — Moi !

— Non, Clotilde, je serai vaillante, il le faut; mais, ne nous le dissimulons pas, c’est à partir de ce moment que commencent pour nous la lutte et l’expiation.

 
II.

Les jours qui suivirent se passèrent tranquillement en apparence. Mme d’Hesy et Clotilde avaient tenu leur promesse et recevaient Elsie ou la voyaient chez elle. Mieux elles la connaissaient et plus elles rendaient justice à la jeune fille. Sa grâce, sa beauté, le charme qui émanait d’elle, son caractère ferme et confiant, les touchaient profondément. Elsie de son côté se sentait attirée vers elles, mais non sans crainte. Elles lui paraissaient, sinon hostiles, au moins redoutables. D’un commun et tacite accord, il n’était point question du mariage. On attendait M. de Reynie. Quant à Philippe, il ne soupçonnait aucun obstacle à cette union qu’il désirait de toutes les forces de son âme, et il était parfaitement heureux. Mme d’Hesy et Clotilde ne lui avaient-elles pas dit que sa destinée dépendait de M. de Reynie ? et Elsie ne doutait pas de son père. Il passait une partie de la journée à courir les magasins, tantôt seul, tantôt avec Elsie, à choisir la corbeille de sa fiancée. Il était insouciant et gai, avait des tendresses subites, il plaisantait Clotilde et sa mère sur leurs façons graves en leur disant qu’il ne valait pas la peine qu’on le regrettât si fort, et que ce mariage ne les séparait pas de lui, mais leur donnait seulement une fille de plus à aimer, il lutinait miss Paget, lui reprochait de n’être pas assez coquette,