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l’enseignement, qui pendant une quinzaine d’années avait été singulièrement négligé. Toutefois il s’en fallait de beaucoup que leur nouvelle maison fût convenablement disposée pour eux. On les avait installés, vaille que vaille, dans de vieux bâtimens humides, mal aérés, utilisés après coup, étroits, et particulièrement malsains pour des enfans naturellement faibles et presque toujours maladifs. Des rapports officiels, rédigés par des savans autorisés, constatent l’insalubrité de l’institution de Saint-Victor à plusieurs reprises notamment le 8 mai 1821 et le 4 décembre 1828 ; on paraît s’émouvoir, on propose plusieurs emplacemens, celui entre autres qui est maintenant occupé par le collège Stanislas, rue Notre-Dame-des-Champs ; la révolution de juillet emporte les idées vers d’autres sujets, et l’on oublie les jeunes aveugles. Le 29 février 1832, le ministre des travaux publics déclare que « l’établissement est dans une situation déplorable et qu’il tombe en ruines. » Un tel état de choses demande un remède immédiat ; celui qu’on imagine est pire que le mal : on propose de réintégrer ces malheureux aux Quinze-Vingts, non pas transitoirement, jusqu’à ce que l’on ait découvert un local convenable pour eux, mais d’une façon définitive. La lutte fut longue et assez vive ; fort heureusement la raison et l’humanité triomphèrent. Le 14 mai 1838, M. de Montalivet fit passer une loi que Lamartine appuya de son éloquence ; l’état était autorisé à acquérir des terrains sur le boulevard des Invalides et à y faire élever un établissement qui serait spécialement consacré aux jeunes aveugles. M. Dufaure, ministre des travaux publics, posa solennellement la première pierre le 22 juin 1839, et les élèves purent prendre possession de leur nouvelle demeure le 9 novembre 1843. C’est un des rares monumens de Paris qui ait été construit dans un dessein défini, et qui ait été approprié aux besoins qu’il devait satisfaire.


II

L’institution est absolument isolée ; elle est sertie dans un cadre fermé par le boulevard des Invalides, la rue de Sèvres, la rue Duroc et la rue Masseran. L’école des jeunes aveugles a été plus favorisée que la maison des sourds-muets, car au milieu de la cour d’entrée s’élève la statue de Valentin Haüy considérant François Lesueur, qui épelle le nom du bienfaiteur. Un bâtiment destiné aux services généraux sépare l’établissement en deux parties égales ; celle de droite est attribuée aux garçons, celle de gauche est réservée aux nues. Une longue galerie, qui a quelque chose de claustral et qui par hasard n’est pas peinte en jaune, donne accès aux quartiers des élèves. Dès qu’on a franchi la porte de l’école proprement dite, il