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Tel est en résumé et dans ses traits généraux le système d’institutions qu’il s’agit aujourd’hui de modifier. On verra plus loin ce qu’elles peuvent avoir de critiquable, et quels changemens peuvent y être sagement apportés, surtout en ce qui touche l’organisation militaire ; mais il faut d’abord rendre justice à cette constitution sous l’empire de laquelle la Suisse a joui pendant vingt ans d’un calme et d’une prospérité jusque-là sans exemple dans son histoire. Il est naturel qu’on y regarde à deux fois avant de toucher à un système de gouvernement qui, en procurant à ce pays une paix intérieure profonde, a plus que doublé sa richesse, et lui a donné parmi les nations de l’Europe un rang auquel il n’était jamais parvenu. C’est, à vrai dire, à sa constitution que la Suisse doit d’avoir été préservée pendant vingt ans de ces révolutions intérieures qui étaient jadis si fréquentes chez elle, et de se sentir protégée contre les interventions étrangères qui en seraient infailliblement la conséquence. C’est grâce à son régime fédératif, à l’heureux équilibre qu’elle avait su y établir, qu’on a pu la voir, il y a deux ans, au milieu du redoutable conflit qui a fait trembler l’Europe, également respectée des deux combattans et plus fière dans sa neutralité vigilante que beaucoup de grands états plus puissans en apparence, mais réduits par leur faiblesse ou par leur lâcheté à la plus déplorable inaction.

Le grand mérite de la constitution de 1848 tient justement à ce qu’elle a mis fin à l’anarchie fédérative sans tomber dans l’abus d’une centralisation contraire à la nature même du pays et à son génie national. Elle n’a touché aux traditions locales que dans la mesure strictement nécessaire, et elle a su éviter cette faute trop commune aux réformateurs, qui détruisent parfois ce qu’ils veulent améliorer. Aujourd’hui de nouveaux besoins commencent à se faire sentir tant à cause des dangers qui résultent de l’état de l’Europe qu’à cause même des progrès moraux et matériels qui se sont accomplis depuis vingt ans. La grande importance des relations civiles et commerciales qui se sont établies aussi bien avec l’étranger qu’entre les cantons eux-mêmes réclame certaines réformes dans le sens d’une plus grande unité législative et financière. Le développement rapide de l’industrie et des travaux publics semble exiger plus d’unité dans la direction des affaires et une législation plus conforme à la grandeur des entreprises. Le soin de la défense nationale préoccupe surtout les esprits, et pourrait demander plus d’unité dans l’organisation et dans le commandement de l’armée. Quelques changemens paraissent nécessaires dans le sens d’une concentration plus étroite des forces nationales. Il serait impolitique et imprudent de s’opposer de parti-pris à ces réformes ; mais elles