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nommés par les vingt-deux cantons, chaque canton n’ayant qu’une seule voix, ce qui assurait la prépondérance absolue de la souveraineté cantonale et donnait aux petits cantons de Zug ou d’Uri le même nombre de voix qu’aux grands cantons de Vaud, de Berne ou de Zurich. Trois cantons seulement au lieu de six devaient alterner dans les fonctions de vorort ou canton directeur : c’étaient ceux de Berne, Zurich et Lucerne, et la durée de leur pouvoir devait être de deux ans au lieu d’un. Pour garantir la faiblesse du pouvoir fédéral, contre les entreprises des cantons, il était stipulé que toute alliance préjudiciable au pacte fédéral leur était interdite. Cette constitution était évidemment mauvaise ; en partageant le pouvoir exécutif entre les trois cantons de Berne, de Zurich et de Lucerne, elle instituait trois influences dominantes et nécessairement rivales ; en refusant aux cantons toute représentation proportionnelle au nombre de leurs habitans, elle permettait aux petits cantons de se coaliser pour opprimer les grands, et devait mettre ces derniers dans la nécessité de se révolter un jour ou l’autre contre la majorité de la diète. Une fédération aussi mal équilibrée ne pouvait engendrer que la guerre civile.

La paix se maintint néanmoins pendant quelques années, ou du moins il n’y eut que des troubles locaux qui ne mirent pas en danger l’existence même de la confédération. Le parti démocratique s’agitait partout pour ressaisir les droits et le pouvoir qu’on lui avait ravis ; l’ancien antagonisme des villes et des campagnes s’était ranimé plus vivement que jamais. Vers 1830, sous l’influence de la révolution de juillet, de petites révolutions démocratiques éclatèrent à Berne, à Zurich, à Soleure, à Fribourg, à Lucerne, à Schaffouse ; Bâle-campagne secoua le joug de Bâle-ville ; les territoires sujets du canton de Schwytz s’affranchirent de tout vasselage ; une insurrection eut lieu à Neufchâtel contre la domination prussienne ; même dans les cantons démocratiques de Saint-Gall, Vaud, Thurgovie et Argovie, de nouvelles révolutions démocratiques achevèrent de balayer ce qui restait encore de privilèges et de vestiges de l’ancien régime. Partout les droits seigneuriaux furent abolis, et les plébéiens s’élevèrent au pouvoir. Les sessions de la diète fédérale devinrent un véritable champ de bataille entre les grands cantons riches et populeux qui avaient adopté les institutions démocratiques et les petits cantons conservateurs qui, sous les apparences d’une démocratie sans mélange, abritaient encore l’esprit du passé.

On sait qu’une organisation nouvelle fut projetée en 1833 par M. Rossi, alors citoyen de Genève, et qu’en 1838 la diète fédérale, cédant à une nécessité évidente, décida que la constitution serait révisée. Une seule assemblée devait être élue proportionnellement