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faire la loi sur l’organisation et la transmission des pouvoirs publics, M. Thiers a personnellement sa place marquée d’avance par ses services, par la popularité qu’il a conquise dans le pays. La libération du territoire consacre une fois de plus son titre au gouvernement ; mais M. Thiers lui-même, avec toutes les ressources de son esprit, peut se trouver désarmé en face d’une assemblée unique où dominerait une majorité passionnée, emportée, et c’est là justement que trouve son rôle une seconde assemblée qu’on appellera comme on voudra, chambre de contrôle, chambre de résistance, qui dans tous les cas peut être une force, un appui pour le pouvoir exécutif. Alors M. le président de la république n’est plus seul avec son expérience, avec son talent, il a la loi pour lui, et avec la loi le concours d’une seconde assemblée, de sorte que ces mesures diverses combinées forment un programme politique qui, dans les conditions où nous sommes, peut offrir au pays de sérieuses garanties, auquel toutes les fractions modérées de l’assemblée actuelle peuvent s’attacher avec la confiance de travailler au bien public. C’est à cette politique de patriotisme, de modération et de libéralisme que répond après tout la candidature qui vient d’être offerte à M. de Rémusat dans les élections prochaines de Paris. D’ici à peu en effet, le scrutin va s’ouvrir dans un certain nombre de départemens et notamment à Paris. Le nom de M. le ministre des affaires étrangères s’est produit avec une sorte de spontanéité. Certes, par son passé, par son esprit comme par son caractère, M. de Rémusat aurait toute sorte de raisons de porter ce titre de député, qu’il a pourtant refusé plus d’une fois depuis deux ans par une sorte de coquetterie d’homme supérieur. Il ne peut se refuser aujourd’hui à ceux qui ont fait choix de son nom, il ne s’appartient plus. Associé à cette négociation qui mettra fin à l’occupation étrangère, il est d’abord le candidat naturel de la libération du territoire. En outre il représente certainement l’esprit conservateur le plus libre de préventions routinières et l’esprit libéral le plus dégagé d’illusions et le boursouflure. Enfin ce qui achève de donner sa couleur et son caractère à la candidature de M. de Rémusat, c’est qu’elle rencontre l’opposition des radicaux. Eh bien ! soit, il vaut mieux qu’il en soit ainsi ; seulement les radicaux jouent une grosse partie, ils proposent aux Parisiens de voter contre l’homme qui vient de mettre tous ses soins à la délivrance du sol, et qui est un des plus éminens libéraux de son temps, sans compter qu’il serait curieux, si cela était possible, de voir le candidat radical triompher de M. de Rémusat dans la ville qui s’est appelée et qui est toujours sans doute la capitale du peuple le plus intelligent et le plus spirituel du monde.

Cette génération si brillante et si forte à laquelle appartient M. de Rémusat comme M. Thiers a joué un grand rôle dans notre France contemporaine. Elle a déjà perdu en chemin plus d’un de ses représentans, et elle vient de perdre ces derniers jours encore un homme dont le nom