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de quelque acte de vigilante prévention. Si le pouvoir n’a point ce droit, il est conduit à le demander, et c’est ce qu’a fait M. Dufaure en présentant une loi pour l’avenir, d’après laquelle les membres de la famille impériale ne pourraient voyager ou séjourner en France sans une autorisation administrative ; mais de plus est-ce bien sérieux de déployer de telles sévérités et de tels ombrages à l’égard d’un gouvernement qui n’est que le délégué de l’assemblée, qui agit sans cesse sous les yeux de l’assemblée, qui ne peut accomplir un acte sans en rendre compte au pouvoir parlementaire deux heures après, comme le disait un jour M. Thiers, et qui ne décline aucune de ses obligations ? C’est là, convenons-en, un scrupule assez exagéré, et qui devient véritablement étrange lorsqu’il s’agit de s’en faire une arme ou un moyen d’accusation contre le gouvernement actuel au profit d’un prince de l’empire. Le 2 décembre ou un des bénéficiaires du 2 décembre défendant la liberté individuelle contre M. Thiers ou M. Dufaure, oui, le spectacle est curieux ! Heureusement la droite a pu soutenir sa thèse libérale sans provoquer une crise qui eût été la conséquence inévitable d’une défaite du gouvernement. L’ordre du jour pur et simple demandé par M. Dufaure a été voté. Seulement il en résulte encore une fois un de ces déplacemens de majorité qui rendent tout incertain, qui paralysent la création ou l’action de cette force politique dont on aurait besoin plus que jamais aujourd’hui pour réaliser jusqu’au bout les mesures de préservation que l’assemblée doit sanctionner avant de disparaître définitivement.

Que les partis extrêmes saisissent toutes les occasions de conflits, qu’ils s’agitent avec leurs regrets ou leurs espérances autour de la situation actuelle, comptant toujours sur un imprévu favorable à leurs desseins, rien n’est plus simple, c’est leur habitude, c’est leur tactique et leur éternel penchant. Évidemment pour la majorité sensée de l’assemblée, pour tous les hommes modérés des opinions diverses qui se partagent la chambre, il n’y a qu’un système de conduite, une politique, et cette politique consiste à s’affermir, à prendre position sur le terrain que la loi des trente avait créé ! Qu’on y songe bien, il n’y a plus maintenant de temps à perdre en fausses opérations ou en combinaisons de fantaisie. L’assemblée va prendre des vacances de six semaines. Lorsqu’elle reviendra, les problèmes s’accumuleront devant elle, et seront de plus en plus pressans à mesure qu’on approchera de l’époque de la libération. L’opinion, plus libre, moins préoccupée de la présence de l’étranger, commencera peut-être à s’émouvoir. La majorité de l’assemblée, le centre droit, le centre gauche, tous les hommes de sens politique et de prévoyance veulent-ils que tout reste livré à l’aventure ? Si l’on s’épuise en luttes stériles, en bruyantes passes d’armes, en conflits de gouvernementale résultat est malheureusement inévitable. On ne fera rien, ou du moins ce qu’on pourra faire se ressentira nécessairement du trouble et de la confusion des esprits ; on disputera son existence au mi-