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plus librement, oubliant les luttes et les querelles de partis, a pu se reposer dans le sentiment d’un patriotisme satisfait !

Ce n’est donc plus maintenant une simple espérance. Tout est réglé et convenu. Cinq mois seulement nous séparent du jour où la dernière sentinelle prussienne se repliera du sol français. On n’a point eu recours à des garanties financières pour le complément de l’indemnité. D’ici au 5 septembre prochain, le cinquième milliard sera versé comme tout le reste entre les mains de l’Allemagne. Notre rançon entière sera payée de mois en mois en capital et en intérêts. Le 5 juillet, l’évacuation commencera. Les quatre départemens qui restent encore occupés retrouveront leur liberté ; Belfort sera libre aussi. Verdun sera le dernier gage retenu par les Allemands jusqu’au 5 septembre, et à ce moment tout sera fini pour Verdun comme pour les autres départemens. Nos comptes seront réglés. Ainsi le veut, ainsi le dit le traité du 15 mars, couronnement heureux de cette série de conventions qui se sont succédé depuis deux ans, et qui, en faisant reculer pas à pas l’invasion, semblaient nous rappeler chaque fois ce qu’il en coûte pour se relever de tels désastres. En quelques jours du reste, tout a été fait. Le traité a été signé, il a été approuvé par l’assemblée, qui s’est empressée d’autoriser le gouvernement à le ratifier ; aujourd’hui les ratifications sont échangées, et en définitive tout le monde peut se trouver satisfait de cette négociation heureusement engagée par M. le président de la république et par M. de Rémusat, prudemment conduite par M. de Gontaut-Biron à Berlin, acceptée sans trop de peine par M. de Bismarck lui-même, qui semble y avoir mis de son côté tout ce qu’il peut avoir de bonne grâce pour la France.

Qu’on dise, si l’on veut, que l’Allemagne n’a pas beaucoup de mérite à s’en aller, qu’elle ne fait après tout que se résigner à toucher par anticipation une indemnité que nous pouvions lui faire attendre encore sans déroger à nos engagemens, — qu’on s’efforce d’expliquer les facilités du cabinet de Berlin par quelque circonstance mystérieuse, par une communication décisive du général de Manteuffel, par la nécessité de mettre l’esprit et la discipline de l’armée allemande à l’abri des influences pernicieuses d’un séjour trop prolongé en France, — qu’on dise tout cela et bien d’autres choses encore, soit, — on dit peut-être vrai sur certains points. L’Allemagne elle-même a eu ses raisons, elle ne s’est décidée à se retirer que parce qu’elle y a vu son intérêt, c’est bien évident ; on ne comptait pas apparemment sur un acte de magnanimité désintéressée que d’ailleurs on n’avait pas à demander. Ce n’est pas moins pour nous la libération du territoire assurée, devancée et préparée par une patience prévoyante qui, au moment décisif, a su triompher de toutes les difficultés secondaires. Ce n’est pas moins pour les départemens occupés la fin de cette attristante captivité qui les réduisait à vivre sans cesse sous