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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars 1873.

Au milieu de nos épreuves et de nos deuils, une espérance obstinée, invincible, a toujours heureusement survécu. De toutes nos illusions détruites, il nous restait au moins encore une sorte de confiance instinctive qui a résisté aux coups les plus violens de la mauvaise fortune. Ce généreux pays de France se sentait bien malheureux, bien durement frappé, bien ému quelquefois en songeant à ce douloureux passé d’hier, à cette occupation étrangère qui pesait encore sur lui, à ces déchaînemens de partis dont on lui offrait trop souvent le dangereux ou futile spectacle, et qui pouvaient aggraver ou prolonger le supplice infligé à son patriotisme ; mais il se sentait aussi doué d’une vitalité suffisante pour arriver à se ressaisir lui-même, pour se racheter tout d’abord de ce dernier reste d’invasion qui attristait sa fierté, et c’était ce qui le soutenait. Il comptait silencieusement les jours, les mois, sans désespérer, sans apercevoir distinctement encore néanmoins l’heure de la libération définitive. Cette heure, où le pays libre de l’occupation étrangère n’aura plus qu’à compter avec lui-même, cette heure est venue ou va venir plutôt qu’on ne le pensait, plutôt qu’on ne se plaisait à l’espérer. L’autre jour, pendant qu’on en était encore à s’échauffer en discussions passionnées, en interpellations agressives ou en récriminations, le gouvernement ainsi mis sur la sellette était tout occupé à préparer les moyens de conduire jusqu’au bout ce qu’il considère avec raison comme sa grande œuvre ; il suivait patiemment dans le plus impénétrable secret une négociation qu’on commençait à soupçonner, que l’empereur Guillaume révélait à demi dans son discours au parlement allemand, et dont l’heureuse conclusion a coïncidé avec la fin de cet orageux débat où la loi des trente a été votée. Le 15 mars était signé à Berlin un traité qui règle définitivement la retraite, désormais prochaine, de l’armée allemande, et pour la première fois depuis deux ans la France, respirant