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prix. Les feuilles les plus répandues à Paris sont les plus légères, celles qui fournissent le moins de détails précis et parlent le moins longuement des choses du dehors. En Allemagne au contraire les grands journaux ont à Paris, quelquefois même à Versailles, un ou plusieurs correspondans qui écrivent tous les jours chacun à son point de vue. La Gazette de Cologne publie par momens jusqu’à cinq lettres de Paris. Tous les pas de M. Thiers, tous les mots qu’on lui attribue, tous les travaux de l’assemblée, les moindres incidens de la vie politique, ce qui se fait et ce qui se raconte est rapporté au fur et à mesure, le plus souvent sans réflexions. Les lettres en général sont assez médiocrement composées ; mais les faits y abondent. Tout article un peu remarqué à Paris est immédiatement traduit en allemand et expédié aux journaux. Les documens surtout sont soigneusement collectionnés ; il n’y a pas une des épîtres de M. Barthélémy Saint-Hilaire qui n’ait été reproduite in extenso dans la presse allemande. Ajoutez des revues financières publiées périodiquement et des chroniques de Paris où l’on rassemble les nouvelles du théâtre et déjà littérature, les historiettes du monde, les procès retentissans. La Femme de Claude a tenu autant de place dans les gazettes allemandes que la harangue de l’ex-préfet de Lyon ; le fameux tue-la de M. Dumas n’a pas été moins commenté que le fusillez-moi ces gens-là de M. Challemel-Lacour. Les mots de ce genre sont toujours cités en français. Pour comprendre les correspondances parisiennes des journaux allemands, il faut non-seulement être au fait des affaires françaises, connaître le personnel politique de la France, il faut savoir, au moins à moitié, la langue française. Le chroniqueur de la Gazette d’Augsbourg citait dernièrement à ses lecteurs dans leur texte original tous les vers qui l’avaient frappé dans les Erinnyes.

Ce n’est pas seulement de Paris que les gazettes reçoivent ces correspondances complètes et minutieuses, elles en ont de Londres, de Vienne, de Saint-Pétersbourg, de Rome, de Madrid, et cela tous les jours. Le nombre des faits et des documents qui s’accumulent ainsi dans les archives des journaux est prodigieux. Le gouvernement se garde bien de négliger une aussi précieuse source d’informations. La presse alimente dans une très large mesure le fameux bureau de statistique dont l’état-major prussien a tiré un parti si remarquable dans la dernière guerre. Rien n’échappe au bureau de statistique : journaux allemands et étrangers, publications de tout ordre et de tout pays, rapports des agens, tout ce qui peut instruire le gouvernement sur l’état économique, social, militaire de l’Europe est compulsé soigneusement et dépouillé jour par jour. C’est un fonds