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mère-patrie des récompense, nationales et prendre part au gouvernement du pays, n’est-ce pas perdre son temps ? Ce que nous appelons justice, ils l’appellent vengeance ; leur tour de condamner leurs juges leur semble d’ailleurs imminent, et ils interrogent chaque jour l’horizon pour y chercher le navire qui va leur apporter des couronnes civiques. Billaud-Varennes et Collot-d’Herbois, proscrits par la convention et embarqués pour la Guyane, se croyaient tellement sûrs de leur prochain rappel qu’ils demandaient au capitaine si un bâtiment partant derrière eux pour les ramener en France pourrait les devancer à Cayenne !

Que peut-on espérer des transportés politiques dans les îles où la loi les envoie ? Cette loi dit que la presqu’île Ducos, en Nouvelle-Calédonie, « est déclarée lieu de déportation dans une enceinte fortifiée, » que l’île des plus et, en cas d’insuffisance, l’île Maré, « sont déclarées lieux de déportation simple. » La fertilité est grande aujourd’hui dans certaines parties de ce pays. Moins luxuriante peut-être et plus sévère qu’à la Guyane française, la végétation y est pourtant vigoureuse, et le climat est sain ; mais en certains endroits la roche ferrugineuse affleure le sol. Les arbres disparaissant comme à l’Ilet-au-Diable, la couche de terre où ils croissent pourrait être bien vite balayée par les vents, et laisserait apparaître le rocher nu, qui signalerait au loin les progrès de la civilisation importés par nos soins et à grands frais dans l’archipel néo-calédonien.

La presqu’île Ducos est un espace étroit de terrain qui forme un des côtés de la baie de Nouméa, chef-lieu de la colonie. Elle est sous le canon de la garnison et reliée à la grande terre par un banc de sable. Là vient se perdre dans la mer, par une succession de collines, un contre-fort de la grande chaîne principale de l’île. Des vallées qui pourraient devenir productives s’ouvrent entre les hauteurs ; on les distribuera aux condamnés, et l’on verra s’ils consentiront à cultiver des légumes loin de la banlieue de Paris.

L’île des Pins n’est pas moins fertile. C’est une pointe de rocher d’un diamètre de 3 lieues, dont le centre, dominé par un sommet assez élevée est à peu près stérile. Il y poussait spontanément ce genre de plus à tiges droites et très élevées qu’on appelle « pin colonnaire, » d’où le nom de l’île ; mais elle est déjà dépouillée en grande partie de ses panaches de verdure sombre. Exploitée sans règle ni prévoyance par les indigènes pour l’approvisionnement des navires troqueurs, l’espèce a déjà presque, disparu. Reste un anneau de terre végétale qui contourne le pied de la montagne ; couvert d’herbages, il forme un vert tapis le long du littoral. Il est bien arrosé et propre à nourrir les bestiaux. Que