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certaine, il n’en est pas de même de celle qu’on raconte au sujet d’une opération d’un accoucheur célèbre, Philippe Peu. Une femme était au terme de sa grossesse et dans un état de mort apparente. Appelé pour pratiquer l’opération césarienne, Peu rapporte que les assistans, convaincus que la femme était morte, le pressèrent d’opérer. « Je le crus aussi, dit-il, car je n’avais trouvé aucun battement dans la région du cœur, et un miroir mis sur le visage ne donna aucun signe de respiration. » Alors il plongea son couteau dans les chairs, et il était au milieu des tissus sanglans quand l’opérée se réveilla de sa léthargie.

Mais voici des faits plus émouvans. Il y a une trentaine d’années, un habitant de la commune d’Eymes (Dordogne) était atteint depuis longtemps d’une maladie chronique peu grave par elle-même et dont le symptôme le plus pénible était une insomnie continuelle qui enlevait au malade toute sorte de repos. Fatigué de cet état, il consulte un médecin qui lui prescrit de l’opium, en lui recommandant d’en user avec précaution. Le malade, imbu de ce préjugé assez répandu qu’un médicament agit d’autant mieux qu’on en prend davantage, avala en une seule fois la dose de plusieurs jours. Bientôt il tomba dans un profond sommeil, dont il n’était pas sorti plus de vingt-quatre heures après. On appelle le médecin du village, qui trouve le corps sans chaleur, le pouls éteint. Ce praticien ouvre successivement la veine aux deux bras et n’obtient que quelques gouttes de sang épais. Le lendemain, on procède à l’inhumation. Cependant au bout de quelques jours de nouveaux renseignemens font découvrir l’imprudence que le malheureux avait commise en usant avec excès de la substance narcotique qui lui avait été prescrite. Une sourde rumeur se manifeste parmi les habitans de la commune, qui demandent et obtiennent l’exhumation. On se porte en foule au cimetière, on extrait le cercueil, on l’ouvre, et le plus hideux spectacle s’offre aux assistans. L’infortuné s’était retourné dans sa bière, le sang qui s’était écoulé des deux veines ouvertes avait baigné le linceul, ses traits étaient horriblement contractés et ses membres crispés attestaient la cruelle agonie qui avait précédé sa mort. — La plupart des faits de cet ordre sont de date assez reculée. Les plus récens se sont passés à la campagne, au milieu de populations ignorantes, et généralement dans des localités où aucun médecin n’était chargé de constater les décès, c’est-à-dire de distinguer les cas de mort apparente de ceux de mort réelle.

Comment donc distinguer la mort apparente de la mort véritable ? Il y a un certain nombre de signes certains de la mort, c’est-à-dire de caractères dont la constatation positive ne laisse place à aucune