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voulut connaître le motif de son retard et l’alla rejoindre ; elle le trouva mort. Plus de vingt-quatre heures après, le moment de l’enterrement étant arrivé, les porteurs chargés des sépultures déposèrent le corps dans une bière, qui fut fermée, et descendirent lentement, en portant le cercueil, l’échelle qui leur avait servi à monter dans la grange. Tout à coup un des échelons vint à casser, et l’on vit rouler ensemble et les porteurs, et le cercueil, qui s’ouvrit dans la chute. Cet accident, qui aurait pu être fatal à un vivant, fut salutaire au mort qui, réveillé de sa léthargie par la commotion, revint à la vie et s’empressa de se débarrasser de son linceul, aidé par ceux des assistans que sa résurrection soudaine n’avait pas mis en fuite. Une heure après il reconnaissait tous ses amis, ne se plaignait que d’un peu d’embarras dans la tête, et le lendemain il était en état de reprendre ses travaux. — Presque à la même époque, un habitant de Nantes succombait après une longue maladie. Ses héritiers firent faire un magnifique enterrement, et pendant qu’on chantait un Requiem, le mort revint à la vie et s’agita dans son cercueil placé au milieu de l’église. Transporté chez lui, il recouvra bientôt la santé. Quelque temps après, le curé, qui ne voulait pas perdre le prix des funérailles, adressa une note à l’ex-mort, qui refusa de payer et renvoya le curé aux héritiers qui avaient ordonné le convoi. Il en résulta un procès au sujet duquel les journaux du temps divertirent beaucoup le public. — Le cardinal Donnet a raconté lui-même au sénat, il y a quelques années, les circonstances dans lesquelles il faillit être enterré vif.

A côté de ces faits d’inhumation précipitée où la victime a échappé aux suites épouvantables de l’erreur commise, il en est d’autres où l’erreur n’a été reconnue, que trop tard. On en connaît d’assez nombreux exemples, dont quelques-uns sont racontés avec des détails trop romanesques pour qu’on puisse y ajouter complètement foi, mais dont beaucoup aussi présentent des caractères incontestables d’authenticité. Une. tradition dont il est assez difficile d’assigner l’origine a longtemps attribué la mort de l’abbé Prévost à une erreur de ce genre. Tous ses biographes racontent que, frappé d’un coup de sang et tombé sans connaissance au milieu de la forêt de Chantilly, le célèbre auteur de Manon Lescaut avait été considéré comme mort, qu’ensuite un chirurgien du village lui ayant ouvert le ventre, sur l’ordre de l’officier public, dans l’intention de rechercher la cause de la mort, Prévost avait poussé un cri, puis était mort ; mais il a été prouvé depuis que ce récit est apocryphe, et qu’il a été inventé postérieurement à la mort de l’abbé Prévost ; aucun des documens nécrologiques publiés alors ne la rattache aux suites d’une autopsie prématurée. Si l’histoire de Prévost disséqué vif ne paraît pas