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Koono, rappelé dans ses importantes fonctions et rentré complètement en grâce après quelques semaines d’exil, est revenu habiter, près du souverain, son hiaski (palais) de Kamakoura. Cette circonstance est éminemment favorable à ses adversaires ; au milieu de sa province, derrière les murs de son château-fort, entouré d’une population de sujets fidèles, le daïmio eût indéfiniment bravé leurs attaques ; une troupe d’étrangers n’eût même pu séjourner quelques heures dans la province sans attirer le soupçon. Ce prompt retour à la ville change complètement la situation, et nos kérai ne sauraient choisir de meilleur théâtre pour risquer leur aventureux projet. Il est surtout, dans ce quartier solitaire qu’habitent les hauts dignitaires, des ruelles désertes, des avenues bordées par les grands enclos boisés des bonzeries, propices à une embuscade. Les conjurés épient de ces cachettes les allées et venues du ministre ; mais ce dernier est sur ses gardes et n’ignore pas qu’à la suite de la mort de son rival, les officiers lonines de ce prince tenteront à un moment donné de le surprendre. Il ne sort plus de son palais, où l’on veille avec soin, que pour se rendre chez le chiogoun ; une escorte plus forte que d’ordinaire entoure son norimon, où lui-même se tient assis, la main sur la poignée de son sabre, tout prêt à mettre pied à terre et à seconder ses serviteurs. Plus d’une fois, derrière les piliers d’un temple ou à travers la brèche de quelque palissade abandonnée, ses gardes ont surpris, à la tombée de la nuit ou par quelque sombre journée d’hiver, des yeux ardens qui épiaient le cortège. Leur nombre et leur attitude ont détourné Hori et ses complices de l’idée d’une agression en plein jour ; renonçant désormais à une lutte au moins trop incertaine dans ces conditions, les conjurés mûrissent l’exécution d’une attaque de nuit sur le hiaski même de leur ennemi, tentative où ils mettent leur dernier espoir.

Les scènes du drame portent désormais sur un unique objet, la préparation minutieuse de cette expédition. Les lonines redoublent de prudence pour cacher leurs conciliabules, et de ruses pour étudier les défenses de l’ennemi. Tantôt nous voyons Hori et son jeune fils, courbés sur un plan déroulé devant eux, tracer des lignes qui représentent l’enceinte rectangulaire du hiaski du Koono, ses palissades intérieures, le plan des édifices privés du palais, avec leurs couloirs et l’emplacement des postes de soldats. Puis ce sont les combattons qui préparent leurs armes pour la lutte, qui sera sans doute opiniâtre : nous les voyons affiler leurs sabres, ajuster les fers de grandes lances, disposer des crocs en fer et des échelles de corde, une lourde masse et des haches pour enfoncer les palissades. Ils se munissent chacun des pièces essentielles d’une armure de