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UN
DRAME JAPONAIS

LES QUARANTE-SEPT LONINES

Pendant mon dernier séjour à Yokohama en 1868, je cherchais à me rendre compte des événemens qui venaient d’agiter le pays, et dont la conclusion inattendue avait été le renversement du pouvoir des taïcouns. Au moment même où nous avions jeté l’ancre en rade, le 9 juillet, les dernières phases de la révolution se déroulaient encore près de nous, et parfois la brise, en passant sur les plaines de Yeddo, nous arrivait chargée des grondemens lointains du canon. Toutefois le chef de la dynastie taïcounale, conscient de la désorganisation de son parti, s’était déjà retiré de la scène et avait, souscrit de ses propres mains à la double déchéance de sa famille et de l’institution créée par ses ancêtres[1]. Approfondir les mystères de l’histoire et de la politique intérieure du Japon, surtout au lendemain d’une crise, a toujours été une entreprise fort ardue ; un mot d’ordre universellement accepté oblige au silence tout indigène que l’Européen presse de questions à cet égard. Je fus toutefois aidé dans mes investigations par un officier japonais. Ancien employé du gouvernement du taïcoun, attaché depuis plusieurs années comme interprète à la légation de France, Chioda-Sabouro avait inspiré à nos ministres plus de confiance que la généralité de ses collègues ; mêlé comme spectateur ou même comme agent

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1869, Une révolution au Japon.